Sur le site non-fiction un ensemble d'articles fort bien faits, méritent qu'on y prête attention. Suscités par le pamphlet d'Onfray qui avoue vouloir mettre Freud par terre et briser sa statue, car il serait devenu une idole, ils analysent les prétentions d'Onfray à détenir la vérité cachée de la psychanalyse qu'il présente comme une escroquerie. Le nom de Freud, tout comme celui d'Einstein est connu de tous, comme un des grands inventeurs du XX° siècle et innombrables sont les personnes qui ont été aidées, transformées voire sauvées par la psychanalyse. Est-ce pour autant la preuve d'un culte comme l'affirme Onfray qui n'est pas connu pour sa subtilité et son sens des nuances ?
Qui a lu Freud, rapporté à l'histoire des maladies dites nerveuses et de leurs traitements, ne peut être que frappé par les innovations d'un esprit audacieux qui s'est aventuré sur des terres vierges dont la science de l'époque ne parvenait pas à décrypter les signes, après que les représentations magiques médiévales aient été abandonnées. La médecine était confrontée alors à ce qui restait pour elle un mystère, la folie, les troubles psychiques.
Freud a apporté des clefs qui ouvraient à de nouveaux espaces jusque là demeurés inexplorés, inconnus.
Freud lui-même se comparait à un aventurier, un conquérant ; soit un conquérant de terrres nouvelles du psychisme dans ses profondeurs cachées, pour l'esprit et la raison qui y pénètrent pour la première fois. ( ce que Onfray traduit, avec la subtilité qu'on lui connaît, comme la "preuve" de la vision du monde impérialste de Freud !).
La figure de Freud laissée à l'histoire, est celle d'un grand homme, doué de génie, car il a révolutionné la conception de la sexualité, de l'imaginaire, du corps indissociable de l'esprit au rebours de la tradition occidentale ; car il a ouvert la voie à la compréhension de l'irrationnel dans l'être humain et introduit du rationnel au sein de cet irrationnel dont il fait apparaître la logique inconsciente, l'autre de la logique ordinaire, consciente.
La stature de Freud a pu donner lieu à une légende, comme il en va pour tous les grands hommes, les grands inventeurs. Onfray feint de découvrir le caractère d'exception de ce qui est en vérité une règle et sous prétexte de défaire la légende -plutôt que de la revisiter textes à l'appui- il entend mettre à terre et réduire à néant une théorie et un homme, (les attaques personnelles et coups bas foisonnent, ancrés sur des contre-sens que ne fait pas un lycéen) qu'il réduit à une religion d'idolâtres.
Il fabrique d'abord un épouvantail, un Freud qui serait devenu l'idole d'un culte, un personnage divinisé, qu'il faudrait désacraliser par conséquent ce qui justifierait tous les procédés onfrayants pour rabaisser et traîner dans la boue l'homme pour atteindre l'oeuvre qu'il est incapable de déconstruire, dont il est incapable d'émettre une critique valide . Seulement calomnier, salir, ici s'arrête ce dont il est capable.
Il suffit de lire quelques pages de son brûlot ou de l'écouter quelques minutes exposer ses considérations personnelles sur Freud dans ses conférences : ce ne sont qu'assertions péremptoires, sans références aux textes, sans citations. Aucune, jamais. Les titres des ouvrages sont même très rarement cités, leur contenu jamais.
Diviniser pour rabaisser et piétiner celui qu'on a élevé jusqu'aux cieux, la logique de l'amour qui bascule dans la haine est connue. : on ne brûle que ce que l'on a adoré. Peut-être Onfray a-t-il plus adoré que compris Freud. Peut-être Freud fut-il l'idole de son adolescence, un protecteur, un père magnifié ? C'est ainsi qu'il le raconte. Mais que tous les participants de la nouvelle discipline fondée par Freud soient dans une attitude religieuse d'adoration fétichiste de son fondateur, aveugles qui plus est à ses horribles vices et ses épouvantables agissements criminels est une affirmation gratuite et grotesque qui ne convaincra que les convaincus.
Onfray observe Freud en tenant la lunette à l'envers, de sorte que le grand homme soit vu comme un nain ridicule et pervers et un être profondément mauvais et dépravé -assassin, drogué, incestueux, admirateur du fascisme et même antisémite- qui plus est pris dans une histoire où n'adviennent que des faits honteux, des calculs mesquins, des tricheries qu'on met tout ses soins à dissimuler, des mensonges, des tromperies. Rien de grand, rien de vrai, rien de juste, rien de courageux et noble dans cette histoire révisée par Onfray. Aux yeux de ce dernier, tout n'est que vilenies, mensonges, tructages, tromperies, traîtrises, manipulations dans la vie de Freud. N'en jetez plus, la coupe est pleine. Pour Onfray toutes les accusations les plus excessives, les plus folles sont bonnes afin de servir sa cause, pour discréditer Freud. On a rarement vu un être aussi vil et tors que ce Freud qui aurait donc fait illusion jusqu'à ce que vienne le magicien Onfray, qui d'un coup de baguette magique, révèle le trucage de part en part.
N'est-ce pas sombrer dans la caricature et la déformation qui décrédibilisent son propos ?
Il en fait trop. Il ne cite pas les textes, il expose ses opinions, ses fantasmes, projections et délires.
Quoi qu'il en soit, le site nonfiction a voulu examiner de près cet homérique règlement de comptes de la conscience onfrayenne avec son passé freudien.
Onfray, sollicité de publier un article, par le site, lors de la préparation de ce dossier Freud vu par Onfray, a décliné l'offre.
Présentation
" La publication du livre de Michel Onfray sur Freud, Le crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne (Grasset), a suscité des réactions diverses au sein de l’équipe du pôle "P syché et Cognition" de Nonfiction.fr. Les avis étaient ainsi partagés sur l’intérêt ou non de faire une critique de ce livre.
Par ailleurs, certains de nos rédacteurs ont été invités à débattre à la radio autour de ce livre, avec ou sans la présence de Michel Onfray. Finalement, face à l’ampleur des réactions dans les médias, et après avoir entendu Michel Onfray déplorer que les critiques fussent plutôt des insultes et non une discussion de son travail, l’équipe de Nonfiction.fr a souhaité donner la parole à quelques rédacteurs désireux de s’exprimer sur le travail de Michel Onfray.
Ainsi, vous pourrez lire des textes variés écrits par Pierre-Henri Castel, Samuel Lézé, Frédéric Forest et moi-même. Nous avons aussi invité à prendre part à la discussion quelques personnes extérieures à Nonfiction.fr : Vannina Micheli-Rechtman, Robert Samacher et Alain Juranville. Enfin, nous avons jugé légitime de donner la parole à Michel Onfray, en publiant un texte qu’il écrirait pour l’occasion et/ou un entretien. Il a refusé cette proposition.
Ainsi, vous pouvez lire les textes suivants :
"Plaidoyer clair et direct pour ceux qui sont contre ceux qui sont contre Michel Onfray", de Pierre-Henri Castel.
"Tout contre Freud", de Samuel Lézé.
"Bienvenue dans l’ère des raccourcis", de Frédéric Forest.
"La méthode selon Nietzsche ou Onfray", de Sébastien Vaumoron.
"L’éternel retour des détracteurs de la psychanalyse", de Vannina Micheli-Rechtman.
"A propos de la pulsion de mort", de Robert Samacher.
"La puissance d'histoire de l'inconscient", d'Alain Juranville.
"Entretien avec Vannina Micheli-Rechtman", par Samuel Lézé.
Enfin, vous pouvez également vous reporter au dossier Freud réalisé par Marie Bonnet et moi-même [ S. Vaumoron] à l’automne 2009. Vous y trouverez deux entretiens (Bernard Golse, Laurence Joseph) ainsi que des critiques de livres parus à l’automne sur Freud et la psychanalyse.
Sébastien Vaumoron [responsable du site]