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Observatoire

  • : wikipedia ou le mythe de la neutralité
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  • alithia
  • Professeur de philosophie, j'ai découvert que WP s'adresse à la jeunesse mais que ses résultats sont problématiques pour une supposée encyclopédie. Rédactions erronées, déformations, tendance à la propagande. Une mise en garde.
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29 décembre 2009 2 29 /12 /décembre /2009 21:26


Le pouvoir islamiste est contesté en Iran, de nombreuses manifestations ont eu lieu à Téhéran et dans les grandes villes du pays, qui ont fait au moins 15 morts. Il y aurait également des centaines d’arrestations. L’opposition affirmait, depuis hier, que 40 blessés sont dans un état grave, et que l’usage de la force par le régime a produit l’effet inverse à celui escompté. Loin de décourager les manifestants, ceux-ci sont de plus en plus nombreux et de plus en plus déterminés.  Les opposants affirment que Téhéran a du mal à endiguer la foule qui descend dans les rues et le recours à la force ne fait qu’alimenter la contestation.du régime lui-même qui est menacé.

D'après Libération le Guide , le grand ayatollah Khameney est devenu la cible des manifestants aux côtés d'Ahmadinejad contesté aux cris de "mort au dictateur".

Les manifestants sont des jeunes, dans l'ensemble, qui contestent de plus en plus le régime islamiste lui-même et s'opposent au cours  d'affrontements  très violents avec la police et les bassidjis, les miliciens islamistes au service du régime. Les manifestations ont été  violemment réprimées


Dans  Libération encore un intellectuel iranien Fahrad Khosrokhavar analyse ainsi la situation : 

«Que les gens ripostent, ce n'est pas un phénomène complètement nouveau, mais il est frappant de voir la détermination de plus en plus importante d'une partie de la population.»

«La protestation dure depuis six mois. Cela montre que le régime ne se débarrassera pas d'un mouvement si profond par la répression»

 

Le Monde analyse  ainsi la situation


... beaucoup craignent à présent que la répression n'ait plus de freins. "Un pas a été franchi lorsque le gouvernement n'a même pas respecté le deuil du Moharram et de l'Achoura qui interdit tout acte guerrier et toute confrontation. J'ai peur qu'il n'y ait plus de freins à la répression", explique par téléphone un professeur de droit à Téhéran. C'est aussi l'avis de l'analyste iranien Ahmad Salamatian pour qui une "militarisation de la répression n'est pas à exclure" et qui estime que "le Guide suprême, Ali Khamenei, jusque-là partagé sur la réaction à adopter, s'est fait prendre la main par la faction la plus dure au sein des fondamentalistes au pouvoir".


Quant au président de la Ligue des droits de l'homme iranienne, Karim Lahidji, il déclare: "La contestation est arrivée à un tournant. On peut craindre en retour une répression accrue, un véritable bain de sang."

Quant au bilan de la répression, voici ce qu'écrit le même journal :

Six mois après l'élection présidentielle contestée du 12 juin, le bilan est lourd : une quarantaine de morts officiellement (l'opposition parle d'une centaine); plus de 4 000 arrestations auxquelles s'ajouteraient un millier d'autres depuis dimanche dans tout le pays; cinq condamnations à mort; des peines allant jusqu'à quinze ans de détention pour les opposants.


La situation des droits de l'homme est "la pire qu'ait connue le pays depuis vingt ans", selon un rapport d'Amnesty International qui dénonce "la torture, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires" et note que "les investigations annoncées par les autorités iraniennes semblent avoir pour objectif de dissimuler les atteintes aux droits humains plutôt que de faire éclater la vérité".


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28 décembre 2009 1 28 /12 /décembre /2009 18:25


Avant d'être "femme de président" elle disait aimer les hommes de pouvoir. Le pouvoir, c'est excitant pour les femmes qui aiment cela, la relation de domination, la force, le machisme, et la célébrité.

Avant,  née dans une famille immensément riche, elle fut mannequin, top-model célèbre, image exposée aux regards, elle eut des amants également célèbres, des conquêtes prestigieuses, une esquisse de vie d'artiste : elle cumula tous les poncifs d’un roman à l'eau de rose destiné à faire rêver les petits, les humbles, les inconnus et finir hissée jusqu'au pouvoir suprême qui l'attire comme la lumière le papillon.

Aujourd'hui, son commentaire sur la hiérarchie sociale ainsi justifiée par la naissance sans doute où Proust  est convoqué, pour faire élégant :

« C’est très joliment expliqué par Proust dans A la recherche du temps perdu, il explique que le mendiant ne souffre pas d’être mendiant, que c’est le passant qui souffre pour le mendiant, le mendiant étant mendiant, lui, il est de plain- pied avec sa misère. C’est la même chose la célébrité, quand on est dedans à ce niveau là, on n’en a plus du tout conscience. »

Chacun à sa place et tout est bien. Le mendiant , le pauvre , est vraiment une espèce à part, un genre inconnu jamais féquenté par les riches, mais il est à sa place, ça ils le savent et ils savent qu'il ne souffre pas de sa condition,  n'ayant jamais connu la richesse, il ne peut s'en sentir privé. A l'autre extrêmité de la hiérarchie, les grands, les riches, les puissants, les célèbres, également à leur place vivent ces attributs comme étant de nature, en toute simplicité, sans en faire une histoire.

Signé, "l'épouse de mon mari" qui souhaite "en tant qu'épouse" qu'il ne se représente pas . Nous aussi, Carla, nous aussi.

Alithia







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28 décembre 2009 1 28 /12 /décembre /2009 14:12


Les maux de la société sous un pouvoir qui prétend obtenir la soumission de tous sur fond de crise sociale qui voit le chômage et la pauvreté s'accroître,  qui prétend imposer une normalisation générale par des dispositifs de contrôle et contrôler jusqu'à la vie privée  de chacun,  qui organise une chasse à l'"étranger", qui sollicite et exploite une peur de l'étranger fabriquée à des fins électoralistes, tout cela appelle à la résistance. Une série de personnes issues des secteurs professionnels en relation avec l'humain et le social, magistrats, médecins, enseignants, travailleurs sociaux, acteurs de la culture, réagissent et appellent à la résistance. C'est l'Appel des appels.



 

L’Appel des appels Un an après
Décembre 2009

Le malaise en France est bien là, profond, palpable. Misère sociale, crise financière et économique, détresse morale, impasse politique. Le gouvernement navigue entre cynisme et opportunisme. La caporalisation des esprits accompagne la petite musique néolibérale, invitant tout un chacun à la servitude sociale librement consentie de tous. Lorsque le peuple résiste à consentir, on le réquisitionne, on l’opprime, on le licencie, on le « casse », bref le Pouvoir renoue avec les principes premiers de la tyrannie : populisme pour tous et décision d’un seul.


Au nom de « l’efficacité » mesurable érigée en loi suprême, les réformes visent à enserrer les populations dans des dispositifs de contrôle qui les accompagnent du berceau à la tombe.

 

Psychologisation, médicalisation et pédagogisation de l’existence se conjuguent pour fabriquer une « ressource humaine » performante. La sévère discipline d’une concurrence de tous contre tous impose à chacun de faire la preuve à tout instant de sa conformité aux standards de l’employabilité, de la productivité et de la flexibilité. L’idéologie d’une civilisation du profit s’insinue jusque dans les subjectivités convoquées à se vivre comme un « homo economicus », un « capital humain » en constante accumulation. Cette normalisation, à la fois polymorphe et monotone, suppose que tous les métiers qui ont souci de l’humain soient subordonnés d’une manière ou d’une autre aux valeurs de rentabilité et fassent la preuve comptable de leur compatibilité avec le langage des marchés financiers et commerciaux. Convertis en entreprises de coaching psychiatrique, de recyclage psychique, de gestion de l’intime, une trame fine de services d’accompagnement individualisé, forcément bien intentionnés, proposent de nouvelles tutelles sociales et culturelles pour mieux mettre les hommes en consonance immédiate avec les exigences impitoyables des marchés qui nous disciplinent. Cette conversion du service public en contrôle social à la fois souple, constant et généralisé suppose que tous ceux qui concevaient encore leur métier comme une relation, un espace et un temps réservés à des valeurs et à des principes étrangers au pouvoir politique et à l’impératif de profit doivent être eux-mêmes convertis par toute la série de réformes qui s’abat sur la justice, l’hôpital, l’école, la culture, la recherche, le travail social. Contrôler les contrôleurs des populations, normaliser les normalisateurs des subjectivités, c’est la condition indispensable du bouclage des sociétés. Lorsque cela ne suffit pas, c’est à la santé que l’on recourt pour alarmer les populations sans leur donner véritablement les moyens de la préserver : à propos de la pandémie récente des professeurs de médecine parlaient du « management par la panique ».

 


Comme la quête illimitée de la performance ne cesse de produire ses anormaux, ses exclus, ses inutiles et ses inefficaces, elle engendre un appareil répressif proliférant, à la mesure de la peur sociale et des paniques subjectives qu’elle provoque. L’auto-alimentation de la peur et de la répression paraît sans limites. Elle produit l’espoir suprêmement dangereux pour les libertés d’une société parfaitement sécurisée, dans laquelle serait repérée et éliminée de la naissance jusqu’à la mort la dangerosité de tout individu. L’homme indéfiniment traçable par la surveillance génétique, neuronale et numérique n’est plus une figure de science-fiction, c’est un programme scientifique et politique en plein développement. La société de demain sera animale ou ne sera pas ! N’est-ce pas d’ailleurs ce que dit la « science » sur les résultats de laquelle tous les « tyrans » font cuire leur petite soupe pour justifier leur Pouvoir sans avoir à le soumettre au débat politique : c’est la Nature ou le Marché qui veut ça et on ne peut pas faire autrement que de s’y prendre comme l’on peut. Avec la Neuro-économie d’ailleurs on sait bien que la Nature et le Marché c’est du pareil au même et que le Cerveau fonctionne comme un actionnaire et réciproquement !


Il reste à apporter cette « Bonne Nouvelle » aux populations qui l’ignorent encore et les « corps intermédiaires » sont « réquisitionnés » entre deux pandémies et deux « spectacles » au cours desquels on a pu vendre à Coca-Cola un peu de temps disponible ! Entre les deux scènes le « risque » encore le « risque », vous dis-je, menace l’apathie sereine des populations managées par la peur et distraites par la télécratie.

 


Magistrats, enseignants, universitaires, médecins, journalistes, écrivains, travailleurs sociaux, acteurs culturels, tous doivent plier devant de nouveaux préfets qui, au nom des « risques » divers et variés, normalisent et évaluent leurs pratiques professionnelles selon des critères idéologiques de contrôle social des populations et de conformisation des individus : nouveaux préfets de santé, les directeurs des Agences Régionales de Santé contrôlent non seulement les établissements hospitaliers, les réseaux sanitaires, mais absorbent également tout le secteur social. Nouveaux inspecteurs d’université, les experts des Agences d’Évaluation (AERES et ANR) visitent les laboratoires et les équipes de recherche pour vérifier qu’en matière de production scientifique ils obéissent bien à la politique de marque des publications anglosaxonnes. Ces nouveaux préfets du savoir, descendants des inspecteurs d’université créés par Napoléon Premier et des services de marketing publicitaire des industries de l’édition et de l’information scientifique vérifient que les acteurs de la production des connaissances courbent suffisamment l’échine sous le poids de leur nouvelle civilisation. Prônant la guerre de tous contre tous, ils chantent les louanges d’une performance d’autant plus proclamée qu’elle s’avère réellement inefficace. Pour les magistrats et les éducateurs, on supprime les relais intermédiaires et les procédures qui pouvaient potentiellement assurer leur indépendance. C’est le contenu même des programmes d’éducation et de soin, de justice, de recherche et d’information que l’on modifie en définissant de nouvelles formes par lesquelles ils s’exercent ou se transmettent.

 

Comme le pouvoir actuel n’est pas à une contradiction près, les réformes qu’il impose peuvent dans le même mouvement désavouer les débats qu’il propose : on diminue l’importance de l’histoire et de la géographie au moment même où s’ouvre un soi-disant débat sur l’identité nationale !

 


Pour faire oublier les inégalités sociales redoublées et délibérées, la peur de l’étranger est attisée et exploitée sans vergogne. La traque au clandestin favorise les passions xénophobes, installe insidieusement des dispositifs de vidéosurveillance des populations et de traçabilité des individus. A partir de la traque des « anormaux » et des « illégaux », par la manipulation de l’opinion par la peur, par les effets d’annonces, avec des dispositifs de contrôle, le Pouvoir prépare insidieusement et obscurément le quadrillage en réseau des populations dites « normales » et « nationales ». Cette infiltration progressive du « cancer » sécuritaire s’exerce au nom des risques que feraient courir les terroristes étrangers, les schizophrènes dangereux, les pédophiles en cavale, et ces sans domicile fixe que nous risquons tous, plus ou moins, de devenir dans la construction d’un État néolibéral qui fait de chacun d’entre nous un intérimaire de l’existence et un intermittent de la Cité. C’est cette civilisation dont nous ne voulons pas que démonte secteur professionnel par secteur professionnel le mouvement de l’Appel des appels. Civilisation de la haine qui invite à traiter les hommes comme des choses et à faire de chacun le manageur solitaire de sa servitude sociale et le contrôleur de gestion de sa faillite citoyenne.

De l’asphyxie à l’insurrection des consciences
Face à l’irresponsabilité des gouvernements, l’insurrection des consciences s’étend. Désobéissance individuelle, protestations, grèves, contestations multiformes : le refus d’obtempérer est la réponse de tous ceux qui ne se résignent pas au monde de la guerre économique et à cette civilisation d’usurier qui « financiarise » les valeurs sociales et psychologiques et « calibre » les individus comme la Commission Européenne calibre les tomates.

 


Dans le cours de ce vaste et divers mouvement de refus, il y a un an l’Appel des appels était lancé. Au mensonge de réformes qui, partout, font pire quand elles prétendent améliorer, des dizaines de milliers de professionnels de multiples secteurs, depuis le soin jusqu’à la justice en passant par la culture, le travail social, l’éducation et la recherche, ont dit non. Non, il n’est nulle part écrit que la concurrence de tous contre tous, que le management de la performance, que la tyrannie de l’évaluation quantifiée doivent détruire les uns après les autres nos métiers et l’éthique du travail qui lui donne son sens. Non, il n’est écrit nulle part que les ravages provoqués par un capitalisme sans limites doivent se poursuivre de crise en crise et que l’idéologie de la rentabilité doive modifier jusque de l’intérieur toutes les institutions, surtout celles qui constituent les derniers remparts à la dictature absolue du profit. Non, il n’est écrit nulle part que nous devions rester isolés et désolés face aux désastres en cours dans le monde du travail et dans le lien social.

 


L’Appel des appels, un an plus tard, est connu comme un des points de ralliement, de croisement et de coordination des résistances. Le travail continue. Il est double : transversalité et réflexion commune. D’abord, établir des liens concrets entre des activités qui subissent toutes la même normalisation professionnelle. Cela se fait dans les comités locaux, et par toutes les alliances locales et nationales tissées entre associations, syndicats et collectifs. Ce qui lie dans ce que nous vivons est plus fort que ce qui sépare nos activités spécialisées.

 


Ensuite, approfondir la réflexion commune. L’Appel des appels, c’est désormais un premier livre collectif[1] qui propose des analyses précises des réformes et des politiques en cours, et qui te nte une compréhension globale de la situation. Pas de lutte efficace possible si l’on ne saisit la particularité du moment, tel est le sens de l’ouvrage conçu comme un outil de transversalité et un point de départ possible d’un travail collectif mené par celles et ceux qui s’inscrivent dans la démarche de l’Appel des appels.

 


Ici, ce ne sont pas des « intellectuels » qui s’adressent à des « travailleurs ». Ce sont des professionnels qui forment un collectif de pensée et d’action, un « nous raisonnable » qui traverse les frontières des métiers et des disciplines. Intellectuels transversaux, plutôt que spécifiques, professionnels voulant exercer en toute connaissance de cause, tels se veulent les acteurs de ce mouvement à beaucoup d’égards original. Enoncée du cœur de nos métiers notre parole est citoyenne et c’est aux citoyens sans exclusive qu’elle s’adresse pour qu’en retour elle soit non seulement entendue mais encore relancée et redéfinie pour construire cet espace d’un dialogue dans l’espace public d’où émerge la démocratie.

 


L’Appel des appels, sa force, il la tient de notre conviction partagée que la division subjective et la division sociale ne peuvent être liquidées quels que soient les efforts déployés par les pouvoirs. Réduire aujourd’hui l’homme à l’unité de compte d’une anonyme « ressource humaine », à une force enrôlée dans la mobilisation générale au service de la performance et de la compétitivité, asservie par des dispositifs de management des plus sophistiqués et souvent des plus persécutifs, ne peut qu’engendrer souffrance, révolte sourde, éclats demain qui diront l’insupportable de la négation de l’humain et du social. Nul pouvoir technique, scientifique, économique, quelles que soient ses prétentions à l’instrumentalisation totalitaire, ne saurait supprimer le sujet et le conflit, acquis anthropologiques de la démocratie. C’est la raison de l’Appel des appels. C’est pourquoi, partout où nous sommes, nous ne céderons pas, nous refuserons l’humiliation et le mépris sans le demander pour l’autre. Pari difficile pour chacun d’entre nous, dont seul le « Nous raisonnable » constitue l’assurance que nous pouvons encore et encore le gagner, pas contre mais avec l’autre, à condition et à condition seulement d’autoriser, d’accueillir et de prendre soin du conflit. Faute de quoi la reproduction de l’espèce finira par anéantir son humanité.

Pour le Bureau de l’Appel des appels
Roland Gori et Christian Laval, Le 22 Décembre 2009

[1] Roland Gori, Barbara Cassin, Christian Laval (sous la dir. de), 2009, L’Appel des appels Pour une insurrection des consciences. Paris : Mille et une nuits.

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10 décembre 2009 4 10 /12 /décembre /2009 20:35






Nouvelle version de la loi d'impunité préparée par Berlusconi : elle apparaît contraire à la constitution.


Le Conseil supérieur de la magistrature, en Italie, déclare avoir trouvé des éléments d'inconstitutionalité dans  la nouvelle loi d'impunité que prépare Berlusconi et qu'il voudrait faire voter par le Parlement en urgence.

source la Repubblica 10 décembre 09.


Cette loi, nommée "processo breve" en italien, destinée à ne mener que des procès à durée déterminée, limitée à deux ans pour l'instruction, si elle était adoptée, serait alors applicable aux délits de la mafia et aux crimes de terrorisme, qu'ils blanchiraient comme expliqué par les analystes des conséquences  entraînées par cette loi.  Les délits mineurs comme les plus graves seraient annulés si cette loi devait être votée.

Berlusconi a en effet concocté une loi qui réduirait les délais d'instruction à six ans maximum pour l'ensemble des instances ( la première, l'appel et la cassation) afin de clore ses affaires en cours, les procès Mills et Mediaset. Une loi qui devrait être immédiatement applicable et rétroactive et qui de plus couvrirait les éventuels procès pour relations avec la mafia, étant donné que ceux-ci demandent des instructions bien plus longues que les limites que Berlusconi voudrait imposer.


Le Conseil supérieur de la magistrature doit encore se réunir avec le ministre de la Justice. Mais  la question de l'inconstitutionalité de la loi est soulevée.

Réponse de Berlusconi :  je changerais la Constitution , ""la majorité s'occupera de réformer la Constitution"  ;  il accuse la Cour Constitutionnelle de partialité, d'être dans l'opposition et met en cause son utilité de ce fait, prétendant passer outre ses avis.

Une ligne est franchie Berlusconi menace la démocratie  ce qui  lui est signifié de toutes parts. Le Président de la République rappelle Berlusconi à ses obligations et au respect des institutions. Fini, son allié, lui rappelle l'obligation de respect de la Constitution.
Berlusconi invoque le soutien populaire. Mais la démocratie réside  autant dans le respect des lois que dans les élections, lui est-il signifié.

Le  Président de la République Giorgio Napolitano  exprime sa préoccupation et parle  "d'attaques violentes contre les institutions" : Berlusconi s'en prend aux institutions, il lui est  donc demandé "une collaboration loyale aux instances du pouvoir de l'Etat"  G. Fini, droite faisant partie de sa majorité :  "Berlusconi ne doit pas oublier qu'il exerce ses fonctions dans le cadre de la Constitution". Les partis d'opposition s'indignent, en particulier  d'Antonio Di Pietro (Italia dei valori)  qui accuse Berlusconi de détruire toutes les institutions de la démocratie et de vouloir préparer le fascisme : " Berlusconi détruit la Constitution après avoir réduit le Parlement à un service privé, il veut maintenant éliminer l'assemblée constitutionnelle, dernier rempart de la Constitution . Si ça n'est pas cela le fascisme ? " 


Les commentaires signifient explicitement que Berlusconi instaure l'état d'exception : les lois ne valent pas pour Berlusconi, le principe de constitutionalité non plus.

Berlusconi ose, car Berlusconi a des couilles (sic) c'est lui qui le dit, c'est une citation.


sources la Repubblica .






Alithia




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5 décembre 2009 6 05 /12 /décembre /2009 13:33



Tandis que s'organise à Rome une grande journée de protestation pour demander la démission de Berlusconi, compte tenu de l'effet délétère du berlusconisme sur l'ensemble de la vie du pays, la culture, l'éducation, la vie politique, le rôle et l'image des femmes, toutes les valeurs qu'il corrompt, l'image du pays qu'il dégrade : le No-B. Day




Dans le même temps, la mafia accuse Berlusconi, et lâche aux juges les informations sur ses complicités multiples



Au procès Dell'Utri, ce sénateur de Forza italia , vieil ami et comparse de Berlusconi, accusé de complicité avec une association mafieuse et déjà condamné en instance pour cette raison, hier, lors du procès en appel qui s'ouvrait, le repenti de la mafia G. Spatuzza témoigne, comme il avait été annoncé.

Spatuzza est un des principaux exécutants des attentats de 92-93, bras droit des chefs de "Cosa Nostra" qui les ont préparés, les frères Graviano. Lors de son témoignage au Tribunal, il accuse clairement Berlusconi et Dell'Utri d'être responsables de ces attentats commis par  la mafia , pour les avoir commandités lors d'accords avec les frères Graviano.

En 92-93. la mafia lâche la Démocratie chrétienne et ses alliances avec Andreotti, de même qu'avec Craxi car ils sont finis politiquement. Elle espère obtenir d'avantage en pactisant avec les nouveaux hommes de pouvoir qui se profilent, afin de s'installer véritablement au coeur de l'Etat.
En effet, Craxi pousse Berlusconi à entrer en politique, le conseille et lui ouvre son carnet d'adresse.


Aujourd'hui il apparaît  que lorsque Berlusconi se préparait à entrer en politique,  il traitait 
dans le même temps, directement avec la mafia.  Les observateurs qui ont suivi le cheminement de l'homme d'affaires,  qio ont retracé l'histoire de la construction de sa fortune et celle de son entrée en politique et de la construction de son parti, disent qu'il se devait de faire le pas supplémentaire vers l'ascension politique pour bénéficier des protections qu'il pouvait obtenir ainsi et échapper aux procès qui se préparaient et qui auraient débouché à coup sûr  sur la confiscation de sa fortune,  bien mal acquise, et sans doute aussi sur des peines de prison.  Président du Conseil, il pensait acquérir l'impunité, ce à quoi il s'est attaché en effet, par tous les moyens, légaux et illégaux. Berlusconi est entré en politique pour assurer et protéger sa fortune, et non le contraire comme on pourrait le croire : la politique n'est pas son ambition, elle n'est qu'un moyen au service de ses intérêts personnels.

Aujourd'hui l'ancien mafieux Spatuzza collabore avec la police et la Justice et témoigne : la mafia a agi sur injonction du commanditaire politique avec lequel elle a passé un pacte de sorte qu'il en résultait qu'elle "tenait le pays entre ses mains" comme l'exprima Giuseppe Graviano à Spatuzza après sa rencontre avec l'homme politique de Canal5.  Spatuzza affirme que l'interlocuteur des chefs de Cosa Nostra, était  Berlusconi, accolé de Dell'Utri.

Reste à découvrir ce que diront les frères Graviano qui doivent être entendus à la prochaine audience, le 11 décembre. Source la Repubblica.


De son côté, Gianfranco Fini, membre de la majorité de Berlusconi, le Pdl, et  président de la Chambre des députés, a déclaré récemment hors micros que :

«Silvio Berlusconi confond le consensus populaire qui lui donne sa légitimité à gouverner avec une sorte d'immunité vis-à-vis de tout autre autorité de contrôle, Parlement, magistra­ture, chef de l'État». «Il se sent comme un monarque absolu. Je lui ai dit en privé : rappelle-toi qu'à un autre (Louis XVI, NDLR), on a coupé la tête» [Voir la vidéo intégrale en italien sur le site de la Repubblica]. Gianfranco Fini a comparé à une «bombe atomique» les accusations d'un repenti de la mafia, Gaspare Spatuzza, mettant en cause une possible responsabilité de Silvio Berlusconi dans les attentats de 1993. Il a souhaité que les enquêtes «scrupuleuses» soient menées. source Le Figaro.



Pour finir, un livre sort dans quelques jours, qui relate les enquêtes d'un policier qui a travaillé avec les juges Falcone et Borsellino, puis sur les attentats de la mafia et a dû subitement renoncer à poursuivre et a brutalement cessé toute activité. Aujourd'hui ce policier, Gioacchino Genchi, ouvre ses archives secrètes à un écrivain, Eduardo Montoli, qui publie le tout dont le contenu semble être assez explosif. Il s'agit de « IL CASO GENCHI – La storia di un uomo in balia dello Stato ».


à suivre

Alithia


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1 décembre 2009 2 01 /12 /décembre /2009 01:00

Berlusconi poursuivi par son passé

 

Berlusconi a connu de nombreux procès et enquêtes judiciaires pour ses affaires irrégulières, fraude fiscale, caisses noires etc. assorties de corruption de témoins, de juges, de policiers,  d'avocats, d'élus de la République, et autres motifs tout aussi peu bénins, procès tous avortés cependant, grâce à ses manoeuvres de corruption, aux amnisties qu'il a fait voter opportunément et aux lois qu’il s’est fabriquées à usage personnel tout au long de ses mandats, et qu’il a réussi sans mal à faire voter par sa majorité peu regardante sur les principes.

 

Il détient un record : de 1994 à 2006, 789 juges ont enquêté sur ses affaires et se sont prononcés sur les fautes, établies mais non punies car non punissables selon les nouvelles règles berlusconiennes, ce qui a donné lieu à 587 visites de police, judiciaire ou financière, et 2500 audiences, et aucune condamnation nominale -seuls ses prête-noms et alliés ont été condamnés-, du fait des délais de prescription qu'il a fait raccourcir, des amnisties effaçant opportunément les affaires et rendant caducs les procès, des lois ad hoc concoctées par lui pour dépénaliser ses délits, ou des retouches apportées à la législation en sa faveur. En revanche les juges qu'il n'a pu intimider ni corrompre, mais qui ont simplement fait leur métier en essayant d'agir selon les lois et la Constitution, se sont tous fait punir, contraints à la démission, mutés d'office, rétrogradés, mis au placard.

[voir Marco Travaglio, Berlusconi, opuscule dont le texte a été distribué en 5 langues européennes à tous les parlementaires de l'U.E. par le philosophe Gianni Vattimo, ]

 

 

Une nouvelle loi d’immunité

Aujourd’hui il prépare encore le vote d’une loi d’immunité qui l’exempterait de tous les procès qui le menacent. Une première version de cette loi a été rejetée début octobre par la Cour constitutionnelle, car jugée contraire à la constitution. Qu'à cela ne tienne, Berlusconi revient aussitôt à la charge début novembre avec un projet similaire proposé au vote du Parlement en décembre.  En urgence.


Car aujourd’hui non seulement plusieurs affaires restent à juger concernant des tractations financières peu catholiques, mais surtout  surtout s’y ajoutent les problèmes des relations avec la mafia , qui représentent une redoutable épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Par le passé, malgré des enquêtes de journalistes, approfondies, dont les résultats sont accablants et jamais démentis, malgré des enquêtes des juges,  avec auditions de Berlusconi et Dell'Utri, en 94, Berlusconi avait été mis en examen, deux fois ; en 1998  encore, sur la base de déclarations de repentis de la mafia l'accusant de responsabilités  dans les affaires criminelles de la mafia. Aucune condamnation n'a été prononcée, les affaires ont été classée s faute de preuves suffisantes. Des indices forts, mais pas de preuves.(1) Bien que les liens de Berlusconi avec la mafia soient connus  et archi-connus, -en France comme en Italie, on trouve tout sur le net,- de sorte que des responsables politiques tel Umberto Bossi, l'ont traité à moultes reprises de mafieux, rappelant qu'il devait sa fortune à la mafia,  réalisée y compris dans le traffic de drogue, et qu'il se comportait en tyran qui n'avait en vue que le pouvoir personnel(2) ; bien que cela participe à l'évidence de la  destruction de la démocratie, comme le démontre encore Marco Travaglio dans cette récente interview  ; bien que depuis 2002 soient pourtant confirmées une nouvelle fois  les déclarations de repentis de la mafia depuis les années 90 , avec les  nouveaux témoignages d’un repenti, Antonio Giuffrè, à savoir que Berlusconi a passé un pacte avec la mafia en 93 pour accéder au pouvoir, au moment où s’effondrait la Démocratie chrétienne et où la mafia perdait ainsi ses protections politiques   -il est assez clair que Berlusconi  a occupé la place vacante auprès de la mafia et dans les institutions de l'Etat,- malgré cela Berlusconi est toujours passé entre les mailles du filet. Ses trente-trois avocats, tous députés, (sic) veillent au grain. Et pour le reste, la corruption et les lois ad personam ont jusqu'à présent fait leur office.

 

Aujourd'hui la situation est peut-être différente, car le nombre de repentis de la mafia qui passent aux aveux de manière à compromettre Berlusconi est impressionant et va s'accroissant au point d'intéresser la Justice et surtout de lui donner un matériau relevant de ses compétences. C’est la première fois que pareille chose se produit à  une telle échelle, avec des témoignages si précis, si compromettants,  et tous convergents, que cela pourrait donner du  travail aux juges et plus seulement aux journalistes.

 

C’est la raison pour laquelle cette nouvelle loi berlusconesque est présentée de manière si pressante et précipitée, avec autant de pressions de la part du « cavaliere » sur sa majorité, dont les membres sont menacés d’exclusion au moindre signe d’opinion non conforme,  et accompagnées d'autant d'injures et menaces adressées à ses adversaires, au premier rang desquels sont les juges accusés par Berlusconi de rien de moins que de préparer la guerre civile,  avec  tout ce que la Péninsule compte de défenseurs de la démocratie,  soit les media qui lui échappent encore, les intellectuels, les responsables politiques qui osent s’exprimer, soumis à de graves intimidations(3)  .

 

 

Les procès imminents :

Le 1er décembre la Cour d’appel de Milan se prononcera sur la question de savoir si Berlusconi, pour son groupe Fininvest doit verser 750 millions d’euros à l’homme d’affaires, Carlo De Benedetti, pour le rachat truqué de la maison d’édition Mondadori.

 

Le 4 décembre, reprend à Milan un procès pour corruption, concernant l’affaire Mills, cet ex-avocat britannique, qui aurait perçu 600 000 dollars en échange de faux témoignages en faveur de Silvio Berlusconi.


Surtout, le même jour, la Cour d’appel de Palerme -transférée pour des raisons de sécurité à Turin- ouvrira le procès en appel de Marcello Dell'Utri, déjà condamné à 9 ans de prison pour collusion avec la mafia, pour complicité d'association mafieuse, assortie d'une interdiction à vie d'exercer une fonction publique... ce qui ne l'empêche pas d'être aujourd'hui sénateur... comme d'autres amis de Berlusconi dans le même cas.  La Cour entendra alors un repenti de "Cosa nostra" (la mafia sicilienne), Gaspare Spatuzza, qui aujourd’hui témoigne de ce qu’il sait des liens de certains hommes politiques avec la mafia, dont Berlusconi,  Dell'Utri , -le plus proche et le plus ancien collaborateur de Berlusconi, ami de 40 ans-, et Renato Schiffani, président du Sénat, soit le deuxième responsable de l’Etat,. Spatuzza a annoncé son intention de dire toute la vérité après avoir déclaré aux juges que Berlusconi traitait directement avec la mafia et aurait joué un rôle dans l'organisation des attentats commis par celle-ci, qu'il aurait commandités, pour obtenir de les faire cesser ensuite et en récolter le mérite, dans le cadre d'un pacte où la mafia devait le porter au pouvoir. Dell'Utri co-fondateur de  Forza italia a en effet aidé Berlusconi à cette œuvre dans le cadre d’accords avec la mafia que l’on commence à découvrir  plus préciséement depuis quelque temps. Condamné une première fois pour liens avec la mafia, Dell'Utri est soupçonné d’avoir été  aux côtés de Berlusconi dans ce pacte selon lequel la mafia renonçait à sa statégie de la tension et  s’engageait à faire remporter les élections  à son protecteur. Ainsi elle s'assurait de "tenir le pays en mains" (sic),. Echange de bons procédés, dont divers repentis de la mafia, de plus en plus nombreux, témoignent

 

 

Les relations avec la mafia.

Berlusconi est cerné par les potentiels procès et mises en accusation.
Mais surtout ce qui mérite attention, est que, outre les procès concernant ses affaires, qui reprennent depuis le blocage de sa loi d’immunité par la Cour Constitutionnelle début octobre, il est maintenant cerné par les affaires concernant les liens avec la mafia. Si quelque fait devait mériter enquête de la Justice, il s'agirait alors de tout autre chose.

 

Parallèlement au procès Dell’ Utri, où l'on attend avec intérêt les déclarations de Gaspare Spatuzza, de nombreux repentis de la mafia,  dont  les frères Graviano,  chefs mafieux de 1° rang, parlent et laissent parler leurs subordonnés, comme l’ont compris les juges et l’opinion italienne (tout cela est dans les journaux et sur internet). Or divers témoignages de mafieux repentis se recoupent et désignent la présence de Berlusconi dans de nombreuses affaires qui mènent à la mafia et les responsabilités potentielles de Berlusconi pour les plus graves.


En effet, ils affirment même, que dans l’accord de 94 entre la mafia et certains politiques,  -connu et incontesté en Italie étant donné le nombre de déclarations venues de repentis mafieux-, et qui porta Berlusconi au pouvoir, on trouverait des responsabilités particulières de Silvio Berlusconi.


Pour mémoire on rappelera que, en 1992-93 la mafia organisa de nombreux attentats dont les assassinats des juges Borsellino et Falcone, qui enquêtaient sur la mafia depuis 86, faisant suite à l’assassinat du Général Della Chiesa cette même année 86 alors qu'il jouait un rôle éminent dans la lutte anti-mafia. Cette "stratégie de la tension" adoptée par la mafia  visait à lui assurer de nouvelles  alliances, en remplacement de celles avec la Démocratie chrétienne, défaite, et du Parti socialiste de Craxi, déconsidéré, et afin d'accroître sa puissance en trouvant de nouvelles protections du côté d'hommes politiques promis à occuper les responsabilités les plus hautes dans l'Etat.


En 1994 est conclu cet accord entre la mafia et certains hommes politiques,  Dell'Utri, Berlusconi, la mafia renonçait aux attentats en échange de son impunité et l’obtention de relais aux plus hauts rangs de l’Etat. Ce qui fut fait.
Elle porta en même temps Berlusconi au pouvoir.

Cet aspect des choses est contenu dans le procès du Sénateur Dell’ Utri.


Aujourd’hui les “repentis” mafieux qui estiment n’avoir pas été suffisamment récompensés et leur pacte insuffisamment respecté, sous-entendent qu’à l’époque de la stratégie de la tension il y avait un commanditaire qui était un homme politique dont on comprend  qu’il s'agirait de Berlusconi.


Les enquêtes sur les attentats de 92-93 et les assassinats des juges Falcone et Borsellino, ne sont pas achevées. On parle des commanditaires des crimes de 93. Par exemple  un article de l’Unità du 15 novembre (en italien) parmi bien d’autres en fait le récit et la Repubblica publie de nombreuses informations faisant état de plusieurs repentis qui accusent Berlusconi. Il s'agit de  mafieux repentis  au service de Graviano qui eux-mêmes prenaient leurs ordres chez un homme politique important. Et ce qui a filtré des enquêtes toujours en cours sur les attentats désigne Berlusconi et Dell'Utri.

Les juges italiens se demandent actuellement, et dans plusieurs tribunaux de plusieurs villes d’Italie (Florence, Palerme, Caltanissetta) s’ils vont devoir enquêter  sur S.B. pour cette affaire. Le journal le plus pro-Berlusconi, Libero annonce de manière anticipée la mise en examen de Berlusconi pour ces faits, de même que Il Giornale, qui appartient à Berlusconi, et le Corriere della Sera, ce qui est démenti par le juge de Florence. L'annonce semble prématurée mais il n'y a pas de fumée sans feu


Les mailles du filet se resserrent. Ce qu’il se passe en Italie est extrêmement important et chaque jour apporte son lot de nouveaux événements qui valent d’être suivis.

Les frères Graviano et leurs hommes de main nomment Berlusconi.
Spatuzza nomme en outre le sénateur et président du Sénat Renato
Schiffani  dans l’affaire du procès Dell’Utri  où il va témoigner en public.

 

Umberto Eco commentant la situation italienne en une claire analogie avec le fascisme :

” Faudra-t-il attendre que Berlusconi fasse mourir un million d’Italiens avant que les gens ne cessent de l’appuyer ?”


 

 

Un article du Monde  présente encore un repenti dont le rôle est de la plus grande importance pour les enquêtes en cours sur les liens entre politiques et mafia, Massimo Ciancimino.

Ce qu’a à révéler Ciancimino s’ajoute aux témoignages de Spazetta et des frères Graviano, qui ont commencé à parler mais qui n’ont pas fini.

Le Monde n’explique pas toutefois l’importance de ces témoignages ni le contexte.
 

Les repentis qui gravitent autour des frères Graviano, comme il a été dit, sont déjà allés extrêmement loin dans leurs  révélations puisque, au delà de l’affaire Dell’Utri, ils mettent en cause S.Berlusconi comme commanditaire des attentats de la période 92-94, la mafia poursuivant alors sa stratégie de la tension, précisément dans le but de pénétrer le monde politique, bien plus qu’elle ne le fit avec Andreotti dans la période précédente.

Du reste, pour se faire comprendre, la mafia assassine en 92 les accolytes d’Andreotti chargés des relations avec la mafia, Salvo Lima, et Ignazio Salvo, accusés de n’avoir pas fait assez pour protéger les intérêts de la mafia. Désormais la mafia cherche de nouveaus interlocuteurs.


Dans la période suivante qui s’ouvre en 94 -soit fin des attentats de la mafia et arrivée de S.Berlusconi au pouvoir avec Forza italia, après Giuffrè, Spazzetta, Ciancimino, et  bien d’autres, les frères Graviano parlent de ce pacte politique-mafia. Mais ils imputent à S.Berlusconi bien davantage encore. 

 

Actuellement il est désigné par plusieurs repentis comme le commanditaire des attentats des années 92-93.

 

On dira donc, si les témoignages sont là, recueillis par la police établissant les faits largement connus dans le pays car rendus publics, pour ceux qui veulent bien lire, si les enquêtes sont ouvertes (par les juges Falcone et Borsellino assassinés en 92, pour cette raison qu’il s’agissait de la première enquête véritable au sujet de la mafia, débutée en 86 et mettant en cause les principaux chefs mafieux, dont un grand nombre seront condamnés lors du maxi procès contre la mafia en 92, grâce aux enquêtes des deux juges) enquêtes qui reprennent maintenant, pour la part qui n’a pas été explorée, et si les témoignages sont considérés comme fiables, pourquoi n’en vient-on pas finalement aux inculpations débouchant sur des procès mettant en cause les responsables politiques ?


Tout doit être rapporté aux autres procès ayant eu lieu dans l’entre-temps.

 

Outre les diverses manoeuvres déjà mentionnées de Silvio Berlusconi, les juges n’ont jamais pu prononcer de condamnations car les témoignages des repentis, s’ils permettent fort bien de comprendre les relations avec certains hommes politiques de haut rang, sont insuffisants pour constituer  à eux seuls des preuves incontestables en Justice. Les déclarations doivent être corroborrées par des faits bien établis. 


Il y eut en effet par le passé un certain nombre de procès mettant en cause des hommes politiques pour leurs relations avec la mafia, impliquant Berlusconi et plusieurs de ses proches, mais qui ne purent jamais se conclure sur le point de leur appartenance à l'organisation mafieuse faute des preuves suffisantes, que demande la Justice tels ceux mettant en cause Berlusconi ou Schiffani.

 

Or Massimo Cianciminio, est le fils d’un grand chef mafieux Vito Cianciminio ancien maire de Palerme. Le fils trahit le père, il est aujourd’hui décidé à sortir du cercle de la mafia. Il détient des documents susceptibles de constituer les preuves manquantes à l’appui des témoignages, qu’il a dit vouloir fournir à la Justice. Il est actuellement entendu par les juges siciliens qui poursuivent les enquêtes sur les attentats de la mafia.

 

Aujourd’hui il est légitime de se demander si la Justice italienne va disposer de documents constituant des preuves susceptibles de poursuivre les enquêtes initiées depuis 1986 par le juge Falcone -qui avait réussi à mener à bien ces enquêtes, à condition de mettre au jour, suite à une enquête parallèle, le rôle d’un juge mafieux qui enterrait tous les dossiers, le juge Corrado Carnevale dont Falcone avait démontré la complicité avec la mafia.

 

La situation italienne a donné au cinéma et à la littérature quelques occasions de beaux scenari et de belles pages, et y compris sur fond de tragédie les meilleures comédies qui soient, et des trames de polards excellents. Mais la réalité dépasse la fiction.

Leonardo Sciascia dans ce petit texte remarquable, “una storia semplice”, a donné le tableau de la vie sicilienne avec sa mafia.

 

L’avenir dira si les révélations que peuvent faire les différents repentis, ajoutées à leurs témoignages, tous concordants, avec les potentielles preuves que détient Cianciminio sont suffisantes pour justifier des enquêtes du côté des responsables politiques.  Lorsque LE boss , chef historique de la mafia sicilienne Toto Riina fut arrêté, en janvier 1993, grâce au travail de Falcone, sa demeure resta libre d’accès plusieurs jours sans aucune surveillance, de sorte que ses amis et complices purent tranquillement la vider de tous les documents compromettants et eurent le temps d’effacer toutes traces en repeignant même la maison au complet, de sorte qu’ il n’y a jamais eu de document de la mafia constituant des preuves impliquant des responsables politiques, qui soit tombés entre les mains de la police et de la Justice. On sait aussi que des agents des services secrets  italiens ont travaillé à effacer les traces de ces collusions et ont assassiné un certain nombre de mafieux qui collaboraient avec la police. A qui profite le crime ? 

 

Et voilà pourquoi Berlusconi est prêt à tout, absolument à tout, pour assurer l’impunité à lui et ses proches, même à étrangler (sic) ceux qui parlent de la mafia et enquêtent sur celle-ci. Il faut oser le dire ouvertement. (4)

 

Les Italiens suivent-ils Berlusconi ? Rien n'est moins sûr. Selon un sondages Ipsos, une majorité d'Italiens est opposée à cette nouvelle loi d'immunité qui empêcherait que ne se tiennent de nombreux procès, -seuls 35% soutiennent cette "réforme de la Justice", les autres ne sont pas au courant- et dans l'ensemble les Italiens témoignent de leur confiance dans la magistrature, malgré les saillies insultantes de Berlusconi. Dans leur quasi totalité ils sont opposés à l'immunité parlementaire (sources, la Repubblica) et pour l'instant, ce sont plus de 450 000 signatures qui sont recueillies à ce jour contre cette loi.

 

addendum : sur la nouvelle loi d'impunité, expliquée aux non-Italiens qui ont du mal à comprendre la vie politique italienne trop subtile pour un esprit non italien. 

Dans la Libre Belgique, pourquoi, avec cette loi, Berlusconi menace l’Etat de droit et la démocratie, un article de Giuseppe Santoliquiddo

 

[…]

le 8 octobre 2009, la Cour constitutionnelle a déclaré l’anticonstitutionnalité du texte…

L’arrêt de la Cour fait en effet de lui un justiciable comme un autre. Et les procès Mills et Mediaset, dans lequel il est aussi accusé de corruption et de fraude fiscale, doivent reprendre dans le courant du mois de novembre. Il faut donc parer au plus pressé. Nous voici arrivés au projet de loi sur le “procès abrégé”. Coûte que coûte.

 

Si le texte acquiert force de loi, (le vote à la Chambre est prévu pour décembre), plus de cent mille procès risquent de devenir caducs. Par exemple ceux relatifs aux scandales financiers de la Parmalat et de la Cirio, qui concernent des dizaines de milliers d’épargnants spoliés de leurs économies. Ou encore le procès relatif aux déchets toxiques en région napolitaine. Les conséquences pour la Justice italienne seraient désastreuses. Irréparables. Il s’agirait d’une véritable dépénalisation de délits extrêmement graves. Le tout pour assurer l’impunité d’un seul homme. Au mépris de centaines de milliers de victimes.

 

Mais ce n’est pas tout. Il faut aussi bloquer les procès à venir. Pour ce faire, M. Berlusconi a annoncé, il y a quelques jours, une “révolution libérale de la justice”. Par voie parlementaire ou par référendum populaire, a-t-il menacé. Les principales mesures de cette réforme sont les suivantes : 1) La mise sous tutelle du parquet par l’exécutif. Le Parlement recevra chaque année un compte rendu de la Cassation sur l’état de la justice et décidera, sur cette base, des délits à poursuivre prioritairement. 2) L’interdiction de publier le compte rendu d’une conversation téléphonique par la presse (cette mesure a d’ores et déjà été qualifiée de “contraire à la liberté de la presse” par l’Union européenne). 3) L’abolition du degré d’appel en cas d’acquittement au premier degré.

 

Disons-le clairement : ces mesures sont honteuses. Tant la loi sur “le procès abrégé” que la réforme de la justice. Elles placent sans détour l’intérêt particulier d’un seul homme au-dessus de l’intérêt général. De manière claire, revendiquée, avec orgueil. Dans un climat de totale impunité morale et politique. Disons-le clairement : le fait qu’un chef de gouvernement récuse les décisions judiciaires, fasse voter par une majorité servile des lois ad personam aux dépens des droits subjectifs et objectifs de ses administrés, n’est pas digne d’un régime démocratique. Ce que fait M. Berlusconi est irresponsable, dangereux. Il joue avec le feu. Il ne devrait pourtant pas ignorer que, sans séparation des pouvoirs, sans contre-pouvoirs efficaces, il n’y pas d’Etat de droit qui tienne…. L’existence d’une hiérarchie des normes, d’un corps de lois obligatoires pour tous, garanties par des droits consacrés, est une garantie imprescriptible d’équité. Sans cela, pas de démocratie qui tienne. ”



Alithia


note :
1- le juge Giovanni Tinebra qui classa l'affaire en 2001 a toutefois été accusé à plusieurs reprises de complaisance dans cette affaire, de la part des juges du tribunal, et encore en 2006 par le Procureur qui l'a accusé de "favoritisme personnel aggravé" (source : la Repubblica, 1°novembre 09)
2- Umberto Bossi de 94 à 98 ne cesse de dénoncer Berlusconi comme mafieux et tyran , intéressé par ses seuls intérêts personnels, qui menace la démocratie... avant de rejoindre sa majorité aux dernières élections. Paradoxe italien.
3-  plainte en diffamation contre la Repubblica, 1 million E demandés , contre l'Unità, 3 millions E demandés, contre Antonio Tabucchi, un million et plus. Voir la liberté d'expression menacée en Italie
4- sur wikipedia, pas trace de l'ensemble. On trouve seulement ceci "Dans l'émission satirique française Les Guignols de l'info, Silvio Berlusconi est présenté comme ayant des accointances mafieuses et comme opposé à la liberté de la presse".  ce serait des bonnes blagues de comiques. Voilà ce que produit la neutralité : ne rien dire de ce qui est et produire des déformations par omission.
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20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 18:02
L'écrivain Antonio Tabucchi, auteur du célèbre "Pereira prétend" est poursuivi en justice pour diffamation envers un des hauts responsables de la Berlusconie pour avoir évoqué de possibles liens de celui-ci avec la mafia.  Ce dernier réclame 1million 3 euros en justic

Ces manières d'intimidation visant à interdire la liberté d'expression en Italie sont l'ordinaire de la Berlusconie qui ne la tolère plus. Berlusconi a attaqué pour diffamation à la fin de l'été , respectivement la Repubblica à qui il demande un million d'euros de dommages et intérêts, et l'Unità, à qui il demande 3 millions d'euros, pour avoir fait état des récents scandales de sa vie  dénoncés par sa femme qui a demandé le divorce. Au même moment le directeur du journal catholique italien l'Avvenire qui recevait un abondant courrier d'indignation ou de protestation de ses lecteurs choqués par la vie de Berlusconi, a été victime d'une sale histoire qui l'a contraint à démissionner.  Pure coïncidence sans doute.


Pour la défense de la liberté d'expression et de l'écrivain Antonio Tabucchi

L'écrivain Antonio Tabucchi se voit réclamer la somme de 1,3 million d'euros de dommages et intérêts pour diffamation à l'encontre de Renato Schifani, président du Sénat et avocat sicilien. Celui-ci est le principal soutien du président du conseil, Silvio Berlusconi. En mai 2008, dans le quotidien de gauche L'Unita, M. Tabucchi avait écrit que M. Schifani avait, par le passé, fait l'objet d'une enquête sur ses liens supposés avec des mafieux. Il reprenait des informations déjà parues et précisait que le président du Sénat avait été "absous". L'épisode illustre la violence des liens entre le pouvoir et la presse.



Une pétition de soutien à l'écrivain, publiée par Le Monde :


 
           
 


Les démocraties vivantes ont besoin d'individus libres. D'individus courageux, indisciplinés, créatifs. Qui osent, qui provoquent, qui dérangent. Il en est ainsi des écrivains dont la liberté de plume est indissociable de l'idée même de démocratie.

De Voltaire et Hugo à Camus et Sartre, en passant par Zola et Mauriac, la France et ses libertés savent ce qu'elles doivent au libre exercice de leur droit de regard et de leur devoir d'alerte face à l'opacité, aux mensonges et aux impostures des pouvoirs. Et l'Europe démocratique, depuis qu'elle se construit, n'a eu de cesse de conforter cette liberté des écrivains contre tous les abus de pouvoir et les raisons d'Etat.


Or voici qu'en Italie cette liberté est mise en péril par l'attaque démesurée dont fait l'objet Antonio Tabucchi. Le président du Sénat italien, Renato Schifani, lui demande en justice la somme exorbitante de 1,3 million d'euros en raison d'un article paru dans L'Unita, lequel journal n'est cependant pas poursuivi. Le crime d'Antonio Tabucchi est d'avoir interpellé M. Schifani, personnage central du pouvoir berlusconien, sur son passé, ses relations d'affaires et ses fréquentations douteuses - toutes questions sur lesquelles il rechigne à s'expliquer. Interroger l'itinéraire, la carrière et la biographie d'un haut responsable public fait pourtant partie du nécessaire questionnement et des légitimes curiosités de la vie démocratique.


Intimider une conscience


Par le choix particulier de sa cible - un écrivain qui n'a pas renoncé à exercer sa liberté - et par la somme réclamée - un montant astronomique pour une affaire de presse -, l'objectif recherché est d'intimider une conscience critique et, à travers elle, de faire taire le plus grand nombre. Des récentes poursuites contre la presse d'opposition à ce procès fait à un écrivain européen, nous ne pouvons rester indifférents et passifs devant l'offensive du pouvoir italien contre la liberté de jugement, de critique et d'interpellation.


C'est pourquoi nous témoignons de notre solidarité avec Antonio Tabucchi et vous appelons à nous rejoindre, en signant massivement cet appel.

 

 


Laure Adler, journaliste et écrivain ; Théo Angelopoulos, cinéaste ; Homero Aridjis, écrivain, ambassadeur du Mexique auprès de l'Unesco ; Michel Braudeau, écrivain et éditeur ; Andrea Camilleri, écrivain ; Patrick Chamoiseau, écrivain ; Alain Corneau, cinéaste ; Constantin Costa-Gavras, cinéaste ; Antoine Gallimard, PDG des Editions Gallimard ; Edouard Glissant, écrivain ; Tony Judt, historien et écrivain ; Jean-Marie Laclavetine, éditeur et écrivain ; Claude Lanzmann, cinéaste et écrivain ; Antonio Lobo Antunes, écrivain ; Claudio Magris, écrivain ; Antonio Munoz Molina, écrivain ; Marie NDiaye, écrivain, Prix Goncourt 2009 ; Orhan Pamuk, écrivain, Prix Nobel de littérature ; Daniel Pennac, écrivain ; Philip Roth, écrivain ; Boualem Sansal, écrivain ; Fernando Savater, écrivain et philosophe ; Jorge Semprun, écrivain ; Mario Soares, homme politique ; Philippe Sollers, écrivain ; Serge Toubiana, directeur de la Cinémathèque française ; Nadine Trintignant, comédienne ; François Vitrani, directeur de la Maison de l'Amérique latine.

La liste complète des signataires est également disponible en ligne.

 

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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 10:56


Dans la France de Sarkozy la liberté d'expression est méprisée autant que la culture par nos représentants politiques de l'UMP, dont la vulgarité et l'anti-intellectualisme sont les bases de l'appel lancinant à la préservation d'une identité française supposée immuable, artificiellement figée dans le passé et présentée par le Président comme plongeant ses racines dans la terre, thème invoqué par lui de manière répétitive, sans se soucier de sa connotation pétainiste qui devrait parler à ceux qui connaissent l'histoire.



La plainte d’Éric Raoult adressée au Ministre de la culture au sujet de la critique faite par un écrivain à cette idée-là de la France, risque précisément de confirmer ce que disait Marie N'Diaye à propos de l'«atmosphère de flicage et de vulgarité», qui règne de plus en plus en France



Dans le Monde un article de Christian Salmon , écrivain et membre du Parlement international des écrivains dénonce l'inadmissible atteinte à la liberté d'expression que représente l'accusation du député UMP contre un écrivain français qui dénonçait la vulgarité du sarkozysme, son inculture et son nationalisme persécuteur.



Christian Salmon relève la tonalité raciste des propos d'Eric Raoult et rappelle, contre l'actuel appel à l'identité française entendue en un sens nationaliste étroit que la citoyenneté de l'écrivain est la langue.


extraits


La dernière saillie du député Eric Raoult contre l'écrivain Marie NDiaye est d'une extrême gravité. Elle aurait pu passer en d'autres temps pour le dérapage isolé d'un député en mal de réélection.


Mais son parti, majoritaire à l'Assemblée nationale, lui a aussitôt emboîté le pas. Et le ministre de la culture qui concevait, il y a quelques semaines encore, que son rôle était de prendre la défense des artistes, s'est lavé les mains de cette polémique "anecdotique" et "dérisoire", mettant au même plan l'offense et l'offensé

[...]

A l'encontre de Marie NDiaye, les propos d'Eric Raoult sont sans précédent. "Nous lui avons accordé le prix Goncourt parce qu'elle a du talent, a-t-il déclaré. Qu'elle soit moins militante. Maintenant qu'elle a le Goncourt, elle peut penser comme elle veut, mais, en l'occurrence, il faut qu'elle soit un peu l'ambassadrice de notre culture."


Il faut entendre ce que recèle ce "nous", et ce qu'il exclut. Marie NDiaye visiblement n'en fait pas partie. Et nous alors ? Mais qui, nous ? Nous, les Blancs ? Nous, la droite ? Nous, l'Occident ? Ce "nous" "menacé par la haine de soi", selon les mots de Nicolas Sarkozy à La Chapelle-en-Vercors, jeudi 12 novembre ? Ce "nous" n'est-il pas cet obscur objet du débat sur l'identité française ? Qui fait partie de votre "nous", M. Raoult ?


Cette déclaration porte atteinte non pas seulement à la liberté d'expression d'un écrivain, comme on l'a dit ces derniers jours. Mais il met en cause la liberté tout court, celle qu'a tout citoyen de trouver en effet "monstrueux" - c'est l'adjectif employé par Marie NDiaye - de reconduire manu militari des Afghans dans leurs pays en guerre, "monstrueux" de traquer des enfants sans papiers dans les écoles maternelles. "Monstrueux" de criminaliser ceux qui prennent leur défense, comme aux pires heures de l'histoire de France. "Monstrueux" d'avoir tant valorisé l'expulsion, le rejet de l'autre, la clôture sur soi, qu'il est désormais plus coûteux pour la communauté nationale d'expulser que d'accueillir, d'honorer les statistiques de reconduites aux frontières que de respecter les lois de l'hospitalité.


[...]

"Monstrueux", encore, d'entendre le président de la République parler des liens charnels qui lient "l'identité nationale française" avec... la "terre" ! Et marteler le mot "terre" cinq fois en dix lignes de discours de peur que ne passe inaperçue cette référence explicite à "la terre qui, elle, ne ment pas", chère au maréchal Pétain en juin 1940. A force de chercher les "racines" introuvables de l'identité, on tombe sur les vieux cadavres, ceux d'une histoire mal enterrée, celle de Vichy.


L'anti-intellectualisme, le mépris des artistes et des intellectuels, font partie du code génétique de ce régime qui a besoin pour imposer ses réformes de traquer la critique jusque dans la langue... Un écrivain n'a pas d'autre citoyenneté que sa langue maternelle. Pas d'autre patrie que le langage dans sa diversité. Pas d'autre territoire à défendre que le pays sans frontières de sa langue.


[...]


  L'article complet de Ch. Salmon dans le Monde.



L'anti-intellectualisme, le mépris des artistes, des intellectuels et de la culture, le non-respect de la liberté d'expression, le populisme et la vulgarité affichée, font sauter tous les obstacles qui préservent la démocratie et semblent mener facilement aux idées que la Résistance a chassées.

Faut-il ajouter que wikipedia, parce qu'elle interdit l'écriture par des auteurs reconnus compétents et à qui est reconnue  la liberté de rédaction (celle-ci,  est considérée comme "essai personnel" et interdite ; d'où l'exclusion et la fuite des intellectuels qui s'y essayent), avec son principe de "neutralité d'opinions", réussit à conjuguer l'interdit  de la liberté d'expression, tout en autorisant qu'une encyclopédie contienne des opinions partisanes, extrémistes et contraires à la rigueur encyclopédique et scientifique.

Exemple, entre le créationnisme et le darwinisme la rédaction wikipédienne ne doit pas trancher, non plus qu'entre les théories biologiques et les théories racistes prenant le masque de la science et qui prétendent parler au nom de la science. Le rédacteur qui se  risquerait strancher se fera censurer et sanctionner s'il maintient le point de vue de la connaissance avérée : ça n'est pas conforme aux règles de wikipedia. Et de même, au nom de la liberté d'opinions, wikipedia acceptera que s'étalent dans ses pages, divers thèmes fascistes, conspirationnistes, révisionnistes, négationnistes et des références aux sites diffusant ce genre d'idées,  et on ne s'étonnera pas de la diffusion des Protocoles des Sages de Sion, pourtant interdits par la loi, non plus que l'omni-présence de la propagande pro domo des sectes.

Wikipedia ennemie de la liberté d'expression, permet pourtant des publications partisanes. L'exploit est remarquable.


Alithia

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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 14:00


Marie N'Diaye dans une interview donnée au mois d'août aux Inrockuptibles avait déclaré "Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux", expliquant que ce climat actuel en France n'était sans  doute pas étranger à son départ pour Berlin où elle s'est installée avec sa famille.

Eric Raoult, député UMP connu pour ses positions très à droite, en fait une affaire trouvant scandaleux qu'un écrivain puisse avoir un avis négatif sur la politique sécuritaire et répressive de Sarkozy et de certains de ses ministres, et il conteste cette liberté d'expression au nom d'un soi-disant devoir de réserve auquel serait tenu l'écrivain.

L'affaire Eric Raoult reprochant à Marie N'Diaye d'exprimer ses critiques à l'égard de la France de Sarkozy, fait ainsi resurgir la question de la liberté d'expression, qui devrait, selon le député, être limitée par un soi-disant devoir de réserve qui s'appliquerait aux écrivains,  donc aux citoyens en général, comme il serait censé s'appliquer aux fonctionnaires... sauf qu'il ne s'applique en rien aux fonctionnaires qui bénéficient, comme tout citoyen d'un droit de s'exprimer librement.

Vouloir museler la liberté d'expression semble être devenu une tendance de la sarkozie, au point de vouloir contrôler les écrivains comme leur chef ambitionne  de contrôler entièrement les media. Ce serait ridicule et risible de beaufitude si ce n'était révélateur de  l'aspect monstrueux précisément, d'une tendance de l'actuelle majorité. Avec la petite touche raciste  comprise, peut-être ? Comment une personne venue d'Afrique, que la France a accueillie, peut-elle oser émettre une opinion sur ceux qui gouvernent le pays ? est en effet le sous-entendu lourdement appuyé du reproche fait par un franchouillard en pleine crise d'identité nationaliste à un écrivain dont il ignore le talent et l'honneur qu'elle représente pour la France.

Ridicule, certes, cette saillie franchouillarde, mais aussi inquiétante pour ses ambitions avouées, mais encore sans aucun fondement dans le droit invoqué. Eric Raoult  semble ne pas savoir ce qu'il dit ou entretient une confusion coupable.

Car le député invoque une obligation fictive, appartenant au langage courant  peut-être, mais non inscrite dans le droit , pas même pour les fonctionnaires. Il joue sur les mots et joue sur une soi-disant obligation de réserve -parfois invoquée, mais à tort,  dans le langage courant - pour souhaiter que  les citoyens, s'abstiennent d'émettre  publiquement une opinion politique . Et c'est là qu'il révèle  une ambition de contrôle et de restriction des libertés, appuyée sur une option  nationaliste dans son fond.


En effet, Eric Raoult a inventé une obligation fictive, qui ne concerne ni les citoyens quels qu'ils soient, écrivains ou non, ni même les fonctionnaires : la supposée "obligation de réserve" des fonctionnaires n'existe pas. Elle  ne figure pas dans la loi c'est à dire n'existe pas dans le droit administratif établissant le statut des fonctionnaires. Ceci au sens où cette supposée obligation consisterait en ce que, parce que fonctionnaire, un individu n'aurait pas le droit de s'exprimer librement sur des questions sur lesquelles tout citoyen a le droit de s'exprimer. Contrairement à ce que prétend Eric Raoult, tout fonctionnaire, comme tout citoyen, en effet, a droit à la liberté d'expression, pleine et entière sur les sujets d'intérêt général, en politique par exemple, ou sur des questions relevant de la culture .

En revanche ce qui est  compris dans l'expression de responsabilité professionnelle est l'obligation de ne pas divulguer ce qu'un fonctionnaire peut avoir connu dans le cadre de l'exercice de sa fonction et qui n'a pas à être connu de ceux qui n'exercent pas cette fonction, pour des raisons professionnelles et dans l'intérêt  du bon fonctionnement de l'institution. Ce qui est bien autre chose et ne lui interdit en rien de s'exprimer  en tant que citoyen et éventuellement en tant qu'intellectuel ou écrivain, sur les questions qui intéressent tout citoyen, par exemple donner son opinion de la France de Sarkozy.

Ne pas confondre une soi-disant obligation de réserve, inexistante, même si elle est parfois invoquée, à tort, et secret professionnel ou  discrétion professionnelle qui sont signifiés dans l'article 26 de la loi donnant le statut des fonctionnaires, à savoir ce qui concerne "les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions". Le secret professionnel qui existe dans d'autres professions,  ne retire en rien ses droits au citoyen.


L'article 6 de la loi signifie explicitement que : "La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires." En vertu de ce que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789  accorde cette liberté à tout un chacun,  en tant que citoyen  : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, (...) pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi",  ce qui signifie clairement  que la loi sur le statut des fonctionnaires ne peut s'opposer à la Déclaration de 1789, ce qui reviendrait sinon à nier aux fonctionnaires leur qualité de citoyen.

Eric Raoult dans sa sortie contre Marie N'Diaye est clairement dans l'abus qui prétend interdire à une personne le droit à la liberté d'expression dont bénéficie tout citoyen.


Quant à une certaine réserve exigible des fonctionnaires ou de certians d'entre eux, la précision suivante est donnée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 8 janvier 2001   qui rappelle le cadre général pour la Fonction publique : "L’obligation de réserve, qui contraint les agents publics à observer une retenue dans l’expression de leurs opinions, notamment politiques, sous peine de s’exposer à une sanction disciplinaire, ne figure pas explicitement dans les lois statutaires relatives à la fonction publique." Ce texte précise en outre qu'une certaine réserve est cependant attendue de certains corps   : "Il s’agit d’une création jurisprudentielle, reprise dans certains statuts particuliers, tels les statuts des magistrats, des militaires, des policiers...".

Voilà l'origine de cet abus de langage, courant, qui impute un supposé "devoir de réserve" aux fonctionnaires. Une jurisprudence particulière  existe pour certains corps de fonctionnaires qui leur donne des obligations particulières, dans le cadre plus général toutefois des droits du citoyen. 

  Le texte précise encore que :

 " cette obligation de réserve ne saurait être conçue comme une interdiction pour tout fonctionnaire d’exercer des droits élémentaires du citoyen : liberté d’opinion et, son corollaire nécessaire dans une démocratie, liberté d’expression. Ces droits sont d’ailleurs, eux, expressément reconnus par l’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (...)".


 Donc : des exigences particulières sont attendues de certains corps de la Fonction publique, mais qui ne figurent pas dans leurs statuts. Cela relève de jurisprudences particulières. Elles restreignent la liberté d'expression générale accordée aux citoyens sans aucune restriction, mais pour ce qui concerne uniquement leur corps. Principalement il s'agit de ce que, parmi les fonctionnaires, certains sont tenus à une réserve particulière, dans des circonstances particulières, et uniquement en rapport avec leur propre institution. C'est le cas des militaires, qui n'ont pas droit à l'expression collective pouvant être relayée par une organisation politique ou syndicale, qui les autoriserait à exprimer publiquement une opinion sur leur institution, même si depuis la réforme du statut des militaires datant de 2005 est explicitement reconnue aux militaires la liberté d'expression du citoyen, cadrée toutefois par une "obligation de loyauté" envers l'institution.


En somme, parmi les fonctionnaires, seuls les militaires n'ont pas droit à l'expression collective autorisant une critique de leur institution. Ils n'ont pas droit à la syndicalisation ni à l'organisation collective d'une expression politique concernant l'armée. Les policiers et magistrats, tenus à la discrétion professionnelle comme le sont tous les fonctionnaires, ont droit à s'organiser en syndicat et ils peuvent s'exprimer collectivement et librement, y compris au sujet de leur institution.

A l'évidence tout citoyen n'est pas astreint au régime militaire ni à la discipline spécifique exigée par l'armée  qui requiert le silence sur l'institution . Il ne s'agit que d'une obligation particulière  pour une institution particulière que constitue l'armée. Eric Raoult voudrait-il faire croire le contraire en exigeant des écrivains et intellectuels qu'ils s'efforcent au silence comme le font les militaires vis à vis de l'armée  et  même plus que les militaires à qui sont reconnus les droits d'expression du citoyen , en général, mais qu'un écrivain ne pourrait exercer ?


Il n'y a aucun doute : Eric Raoult  a perdu une belle occasion de se taire, en ce sens qu'il a complètement tort d'invoquer une soi-disant obligation de réserve qui s'imposerait  à un citoyen exerçant une liberté fondatrice d'une démocratie, sa liberté d'opinion et d'expression. Il ne s'agit de sa part, que d'une atteinte à la liberté d'expression ou il exprime sa non-acceptation d'une liberté fondamentale garantie par les droits de l'homme.

Il est libre de l'exprimer, mais il a tort, et à travers sa déclaration il a révélé sa conception  qui est celle d'un adversaire de la liberté d'expression.

L'événement créé par Eric Raoult mérite de retenir notre attention et justifie cette précision sur un soi-disant "devoir de réserve" injustement invoqué, puisqu'il semble qu'à ce propos règne une réelle confusion dans l'opinion et ceci au moment où, précisément, la liberté d'expression est trop souvent mise en cause pour ne pas se sentir  tenu de réagir, ce qui commence par un devoir citoyen de s'informer.


Le Ministre de la culture, interpellé par Raoult, n'a pas voulu lui donner tort, mais a tout de même signifié que Marie N'Diaye était libre d'exprimer ce qu'elle pense. Merci pour le rappel de cette liberté. Quant aux arguties absurdes juridiquement  et intellectuellement de Monsieur Raoult, elles ne peuvent masquer le point de vue d'où s'exprime cette feinte indignation.


Alithia


note ultérieure.

Face à ce qui apparaît comme une gaffe d'Eric Raoult, l'UMP se désolidarise du député qui a franchi une limite.

Le Ministre de la culture, n'a pas cru devoir prendre position assez clairement contre Eric Raoult, pour défendre le droit à la liberté d'expression, qui est sans restriction, aussi bien pour Marie N'Diaye que pour tout citoyen, quoi qu'on pense de ses propos. La liberté d'expression ne se partage pas. Elle ne consiste pas seulement à autoriser à dire ce avec quoi on est d'accord, mais à reconnaître la liberté d'exprimer ce qu'on pense. De sorte que l'UMP est intervenue officiellement suite à cet incident.

Prenant le relais du ministre qui n'a pas voulu trancher l'UMP a produit un communiqué officiel par la voix de Dominique Paillé qui déclare :  "Dans le cadre de la polémique actuelle sur les propos tenus par Marie NDiaye, l’UMP tient à rappeler ses valeurs, dont la liberté d’expression, qui sont sa constante position",
affirmant ainsi que les valeurs de l'UMP  sont aussi les valeurs fondamentales  de la République.

On aurait pu penser le contraire en effet, tant les thèmes de la droite la plus conservatrice sont remis à l'honneur par notre cher Président et ses tirades sur l'identité nationale qu'il présente comme la France éternelle faite d'enracinement dans la terre au prix de vieux  poncifs nationalistes appartenant à une autre époque.



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27 août 2009 4 27 /08 /août /2009 01:38
Un article d'un écrivain au sujet d'Obama qui mérite la lecture . Dans Libération.


Barack Obama et une certaine idée de l’Amérique


Par BERNARD COHEN écrivain, traducteur.

Ca y est, l’Amérique n’aime plus (autant) Barack Obama. Cela s’est passé en six mois, ou moins, dans un contexte de crise économique majeure, ou relativement majeure, dont personne ne comprend encore les racines et les ressorts. Puisque la situation est si volatile, et puisque le capital de sympathie d’un Président décidément inventif reste élevé dans le monde entier, force est de se poser la question : comment l’enfant prodige a-t-il déçu si vite ses concitoyens ? En analysant les faits et en regardant autour de moi, je ne parviens qu’à une conclusion : Barack est le dirigeant d’un pays qui ne le méritait pas.


Quels ont été les principaux facteurs de la désaffection, ces derniers mois ? Je ne pense pas que la gestion de la crise bancaire qui a précipité un krach mondial AVANT son élection soit un facteur majeur, d’abord parce que personne, y compris une brochette de prix Nobel d’économie et d’anciens directeurs de la Cour des comptes américaine, n’y entend goutte. Certes, on sait que les principaux acteurs bancaires, dans le monde entier, se sont grossièrement enrichis sur la base d’investissements factices et de spéculations aberrantes ; on sait aussi qu’à de rares exceptions près ils ne seront jamais tenus responsables de leurs actes. Quant aux guerres dont Barack Obama a hérité, leur gestion semble plus ou moins rationnelle, ne serait-ce que parce qu’elle n’est plus entourée par la stridulence chauviniste des années Bush. Alors, quoi ?


Barack a déplu à une majorité d’Américains en disant que la police avait agi «stupidement» dans le cas de l’arrestation d’un professeur noir de Harvard accusé d’avoir cambriolé son propre domicile. Même si sa gestion d’une affaire particulièrement grotesque aurait dû susciter une large approbation - il a invité le dignitaire noir, par ailleurs très enclin à la polémique facile, et le flic de service, pas précisément un expert en psychologie raciale, à prendre une bière ensemble à la Maison Blanche -, cette affaire est restée en travers de la gorge de beaucoup d’Américains. Dans un pays où la délation peut atteindre des niveaux surprenants - rappelons la commission sur les «activités antiaméricaines» de McCarthy, ou la lettre anonyme qui avait conduit le FBI à refuser un visa d’entrée à… Albert Einstein -, le Président n’est pas supposé penser que les appels anonymes au 911 (urgences) et l’intervention musclée de la maréchaussée peuvent créer plus de problèmes qu’en résoudre. Il y a encore quelques jours, deux jeunes flics du New Jersey ont appréhendé un homme qui se baladait sous la pluie dans un quartier plus que modeste, pour la seule raison qu’un citoyen lui avait trouvé l’air suspect. «Quel est votre nom ?» a demandé la fliquesse de 24 ans. «Bob Dylan», a répondu le dangereux vagabond, qui faisait juste une promenade entre deux concerts. «Bob quoi ?»


Un détail qui est mal passé, aussi : en mars, les responsables de la sécurité nationale ont lourdement fait savoir qu’ils s’inquiétaient de la possible recrudescence des activités d’extrême droite, racistes, fascistes, antisémites. Hourvari chez les adorateurs de la momie anticommuniste McCain : comment oser dire une chose pareille ? En quelques semaines, pourtant, un déséquilibré a attaqué le musée de l’Holocauste à Washington, tuant le gardien, noir ; un autre cinglé a abattu un médecin connu pour ses vues libérales sur l’avortement ; les publications incitant à la haine des Noirs et des Juifs se multiplient impunément. Et c’est sans même parler de la multitude de crimes de droit commun qui sont ici classés comme tels mais qui présentent de toute évidence des composantes machistes ou suprémacistes.


Autre péché commis par Barack Obama est d’avoir répété ces derniers mois, plus haut et plus fort que ses prédécesseurs démocrates, que le système de couverture sociale américain devait être révisé de fond en comble. Cette hydre monstrueuse, qui coûte des milliards de dollars à l’Etat fédéral, qui inflige une précarité scandaleuse même à ceux qui cotisent à des assurances privées aux tarifs exorbitants et qui tire tendanciellement le niveau des soins médicaux américains vers le bas, demeure l’un des éléments les plus irrationnels et destructifs du débat politique américain. Il y a quelques mois, un ami de notre famille, pas du tout immigrant illégal, issu de la classe moyenne la plus respectable, s’est vu diagnostiquer une leucémie terminale ; son assurance, puis celle de ses parents, ont refusé de couvrir les frais d’hospitalisation ; il est mort, et ses proches ont dû ouvrir une souscription publique pour couvrir les centaines de milliers de dollars réclamés par l’hôpital. Presque chaque foyer aisé aux Etats-Unis a une histoire similaire, et pourtant la seule mention du concept «couverture sociale universelle» transforme le plus pondéré de vos hôtes en outlaw vociférant et brandissant la Remington rouillée de son arrière-grand-père.


Barack Obama, comme Bill Clinton en son temps, est en train de se faire rouler dans la farine par son propre parti. En période d’élection, tout le monde verse des larmes de crocodile sur l’état lamentable de la santé publique - ou sur le fait, comme le rappelait l’hebdomadaire Newsweek il y a peu, que les Etats-Unis ont cinquante fois moins de trains à grande vitesse que la Chine, quarante fois moins que le Japon, trente fois moins que l’Allemagne ou la France. Mais il y a des idées qui ont la peau dure au pays de Thomas Jefferson : autant la perspective d’interdire la vente libre d’armes automatiques semble «liberticide», autant la prétention à apporter une certaine logique à un système de santé chaotique est perçue comme une tentative d’instauration d’un «socialisme marxiste» dont le spectre, aussi hallucinant que cela puisse paraître, continue à faire peur soixante ans après.


Les Etats-Unis d’Amérique sont sans doute le seul pays au monde où les gens sont prêts à prendre les armes parce que quelqu’un a osé dire : «Même santé pour tous !» Au-delà des sujets d’actualité, néanmoins, Barack déplaît aux Américains blancs, conservateurs ou vaguement progressistes, cette cohorte immense des suburbs (banlieues) et des small towns (petites villes). Il ne brandit pas assez le drapeau américain. Il compte nombre de Noirs et de Juifs dans son équipe. Mais surtout, il est une contradiction vivante de l’imagerie américaine traditionnelle : il n’est pas un héros de Larry McMurty, il ne prétend pas travailler dur dans son ranch - comme le pathétique George W. s’escrimant sur quelques broussailles avec des gants de cow-boy pour une photo-op, ou se prenant une pelle en VTT -, il est le tout premier président - même Jimmy Carter tenta de le faire, très brièvement - à ne pas essayer de jouer les machos américains. Et cette image d’un Noir doté de diplômes, citadin et hawaïen, plus à l’aise sur un campus ou sur une plage que dans un campement de chasseurs ou une salle de bowling, irrite profondément nombre d’Américains. «Go West, Mr. President, to America’s wilderness», n’hésitait pas à exhorter une dépêche d’Associated Press en date du 16 août 2009. Allez à l’ouest, au Far West, monsieur le Président. Sous-entendu : vous en avez de moins grosses que nous. Cette dépêche devrait être décortiquée dans toutes les écoles de journalisme du monde, d’ailleurs. Parce qu’elle montre l’invasion de l’information par l’idéologie, c’est-à-dire l’une des grandes raisons pour lesquelles les gens ne font plus confiance à la presse. «Ce n’est pas le Marlboro Man», note cette dépêche signée Liz Sidoti - une femme, mais d’origine italienne… Une femme essayant de s’imposer dans un contexte machiste, peut-être.


Et nous touchons là au cœur du problème, à la fantasmagorie nationale dans laquelle vivent tant d’Américains, à ce mirage de toughness (détermination, couillitude) d’une nation qui est déjà dominée démographiquement par l’obésité et atteinte d’une inquiétante propension à rester couchée devant un téléviseur pendant vingt heures d’affilée.


Paradoxe, donc : un homme qui personnifie de manière exemplaire l’idéal américain n’est pas jugé assez américain par ses pairs. Il ne porte pas de santiags. Il n’aime pas affecter l’accent rural du redneck de base. Il est à l’aise en dehors des Etats-Unis. Il ne shoote pas les élans depuis un hélicoptère comme Sarah Palin. Il n’est pas fana de golf. Il ne pense pas que pêcher la truite est l’occupation la plus fantastique qui soit, notamment pour le fait que 90 % des rivières américaines sont plombées à mort par les rejets industriels. Il ne prétend pas être ce qu’il n’est pas.


Et quant à cette imagerie de l’Amérique dotée des plus gros roustons au monde, juste un détail : quand Barack Obama est finalement «allé à l’Ouest», emmenant sa famille au parc national de Yellowstone, il était accompagné d’une interpretive park ranger. Littéralement, «garde forêt interprète». J’ai vérifié sur le site des parcs nationaux américains. C’est en effet une profession qui existe. Elle consiste à «interpréter» la nature pour les visiteurs. Et après, ils diront que Barack est un citadin qui aime la plage…



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