Berlusconi poursuivi par son passé
Berlusconi a connu de nombreux procès et enquêtes judiciaires pour ses affaires irrégulières, fraude fiscale, caisses noires etc. assorties de corruption de témoins, de juges, de policiers, d'avocats, d'élus de la République, et autres motifs tout aussi peu bénins, procès tous avortés cependant, grâce à ses manoeuvres de corruption, aux amnisties qu'il a fait voter opportunément et aux lois qu’il s’est fabriquées à usage personnel tout au long de ses mandats, et qu’il a réussi sans mal à faire voter par sa majorité peu regardante sur les principes.
Il détient un record : de 1994 à 2006, 789 juges ont enquêté sur ses affaires et se sont prononcés sur les fautes, établies mais non punies car non punissables selon les nouvelles règles berlusconiennes, ce qui a donné lieu à 587 visites de police, judiciaire ou financière, et 2500 audiences, et aucune condamnation nominale -seuls ses prête-noms et alliés ont été condamnés-, du fait des délais de prescription qu'il a fait raccourcir, des amnisties effaçant opportunément les affaires et rendant caducs les procès, des lois ad hoc concoctées par lui pour dépénaliser ses délits, ou des retouches apportées à la législation en sa faveur. En revanche les juges qu'il n'a pu intimider ni corrompre, mais qui ont simplement fait leur métier en essayant d'agir selon les lois et la Constitution, se sont tous fait punir, contraints à la démission, mutés d'office, rétrogradés, mis au placard.
[voir Marco Travaglio, Berlusconi, opuscule dont le texte a été distribué en 5 langues européennes à tous les parlementaires de l'U.E. par le philosophe Gianni Vattimo, ]
Une nouvelle loi d’immunité
Aujourd’hui il prépare encore le vote d’une loi d’immunité qui l’exempterait de tous les procès qui le menacent. Une première version de cette loi a été rejetée début octobre par la Cour constitutionnelle, car jugée contraire à la constitution. Qu'à cela ne tienne, Berlusconi revient aussitôt à la charge début novembre avec un projet similaire proposé au vote du Parlement en décembre. En urgence.
Car aujourd’hui non seulement plusieurs affaires restent à juger concernant des tractations financières peu catholiques, mais surtout surtout s’y ajoutent les problèmes des relations avec la mafia , qui représentent une redoutable épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Par le passé, malgré des enquêtes de journalistes, approfondies, dont les résultats sont accablants et jamais démentis, malgré des enquêtes des juges, avec auditions de Berlusconi et Dell'Utri, en 94, Berlusconi avait été mis en examen, deux fois ; en 1998 encore, sur la base de déclarations de repentis de la mafia l'accusant de responsabilités dans les affaires criminelles de la mafia. Aucune condamnation n'a été prononcée, les affaires ont été classée s faute de preuves suffisantes. Des indices forts, mais pas de preuves.(1) Bien que les liens de Berlusconi avec la mafia soient connus et archi-connus, -en France comme en Italie, on trouve tout sur le net,- de sorte que des responsables politiques tel Umberto Bossi, l'ont traité à moultes reprises de mafieux, rappelant qu'il devait sa fortune à la mafia, réalisée y compris dans le traffic de drogue, et qu'il se comportait en tyran qui n'avait en vue que le pouvoir personnel(2) ; bien que cela participe à l'évidence de la destruction de la démocratie, comme le démontre encore Marco Travaglio dans cette récente interview ; bien que depuis 2002 soient pourtant confirmées une nouvelle fois les déclarations de repentis de la mafia depuis les années 90 , avec les nouveaux témoignages d’un repenti, Antonio Giuffrè, à savoir que Berlusconi a passé un pacte avec la mafia en 93 pour accéder au pouvoir, au moment où s’effondrait la Démocratie chrétienne et où la mafia perdait ainsi ses protections politiques -il est assez clair que Berlusconi a occupé la place vacante auprès de la mafia et dans les institutions de l'Etat,- malgré cela Berlusconi est toujours passé entre les mailles du filet. Ses trente-trois avocats, tous députés, (sic) veillent au grain. Et pour le reste, la corruption et les lois ad personam ont jusqu'à présent fait leur office.
Aujourd'hui la situation est peut-être différente, car le nombre de repentis de la mafia qui passent aux aveux de manière à compromettre Berlusconi est impressionant et va s'accroissant au point d'intéresser la Justice et surtout de lui donner un matériau relevant de ses compétences. C’est la première fois que pareille chose se produit à une telle échelle, avec des témoignages si précis, si compromettants, et tous convergents, que cela pourrait donner du travail aux juges et plus seulement aux journalistes.
C’est la raison pour laquelle cette nouvelle loi berlusconesque est présentée de manière si pressante et précipitée, avec autant de pressions de la part du « cavaliere » sur sa majorité, dont les membres sont menacés d’exclusion au moindre signe d’opinion non conforme, et accompagnées d'autant d'injures et menaces adressées à ses adversaires, au premier rang desquels sont les juges accusés par Berlusconi de rien de moins que de préparer la guerre civile, avec tout ce que la Péninsule compte de défenseurs de la démocratie, soit les media qui lui échappent encore, les intellectuels, les responsables politiques qui osent s’exprimer, soumis à de graves intimidations(3) .
Les procès imminents :
Le 1er décembre la Cour d’appel de Milan se prononcera sur la question de savoir si Berlusconi, pour son groupe Fininvest doit verser 750 millions d’euros à l’homme d’affaires, Carlo De Benedetti, pour le rachat truqué de la maison d’édition Mondadori.
Le 4 décembre, reprend à Milan un procès pour corruption, concernant l’affaire Mills, cet ex-avocat britannique, qui aurait perçu 600 000 dollars en échange de faux témoignages en faveur de Silvio Berlusconi.
Surtout, le même jour, la Cour d’appel de Palerme -transférée pour des raisons de sécurité à Turin- ouvrira le procès en appel de Marcello Dell'Utri, déjà condamné à 9 ans de prison pour collusion avec la mafia, pour complicité d'association mafieuse, assortie d'une interdiction à vie d'exercer une fonction publique... ce qui ne l'empêche pas d'être aujourd'hui sénateur... comme d'autres amis de Berlusconi dans le même cas. La Cour entendra alors un repenti de "Cosa nostra" (la mafia sicilienne), Gaspare Spatuzza, qui aujourd’hui témoigne de ce qu’il sait des liens de certains hommes politiques avec la mafia, dont Berlusconi, Dell'Utri , -le plus proche et le plus ancien collaborateur de Berlusconi, ami de 40 ans-, et Renato Schiffani, président du Sénat, soit le deuxième responsable de l’Etat,. Spatuzza a annoncé son intention de dire toute la vérité après avoir déclaré aux juges que Berlusconi traitait directement avec la mafia et aurait joué un rôle dans l'organisation des attentats commis par celle-ci, qu'il aurait commandités, pour obtenir de les faire cesser ensuite et en récolter le mérite, dans le cadre d'un pacte où la mafia devait le porter au pouvoir. Dell'Utri co-fondateur de Forza italia a en effet aidé Berlusconi à cette œuvre dans le cadre d’accords avec la mafia que l’on commence à découvrir plus préciséement depuis quelque temps. Condamné une première fois pour liens avec la mafia, Dell'Utri est soupçonné d’avoir été aux côtés de Berlusconi dans ce pacte selon lequel la mafia renonçait à sa statégie de la tension et s’engageait à faire remporter les élections à son protecteur. Ainsi elle s'assurait de "tenir le pays en mains" (sic),. Echange de bons procédés, dont divers repentis de la mafia, de plus en plus nombreux, témoignent
Les relations avec la mafia.
Berlusconi est cerné par les potentiels procès et mises en accusation.
Mais surtout ce qui mérite attention, est que, outre les procès concernant ses affaires, qui reprennent depuis le blocage de sa loi d’immunité par la Cour Constitutionnelle début octobre, il est maintenant cerné par les affaires concernant les liens avec la mafia. Si quelque fait devait mériter enquête de la Justice, il s'agirait alors de tout autre chose.
Parallèlement au procès Dell’ Utri, où l'on attend avec intérêt les déclarations de Gaspare Spatuzza, de nombreux repentis de la mafia, dont les frères Graviano, chefs mafieux de 1° rang, parlent et laissent parler leurs subordonnés, comme l’ont compris les juges et l’opinion italienne (tout cela est dans les journaux et sur internet). Or divers témoignages de mafieux repentis se recoupent et désignent la présence de Berlusconi dans de nombreuses affaires qui mènent à la mafia et les responsabilités potentielles de Berlusconi pour les plus graves.
En effet, ils affirment même, que dans l’accord de 94 entre la mafia et certains politiques, -connu et incontesté en Italie étant donné le nombre de déclarations venues de repentis mafieux-, et qui porta Berlusconi au pouvoir, on trouverait des responsabilités particulières de Silvio Berlusconi.
Pour mémoire on rappelera que, en 1992-93 la mafia organisa de nombreux attentats dont les assassinats des juges Borsellino et Falcone, qui enquêtaient sur la mafia depuis 86, faisant suite à l’assassinat du Général Della Chiesa cette même année 86 alors qu'il jouait un rôle éminent dans la lutte anti-mafia. Cette "stratégie de la tension" adoptée par la mafia visait à lui assurer de nouvelles alliances, en remplacement de celles avec la Démocratie chrétienne, défaite, et du Parti socialiste de Craxi, déconsidéré, et afin d'accroître sa puissance en trouvant de nouvelles protections du côté d'hommes politiques promis à occuper les responsabilités les plus hautes dans l'Etat.
En 1994 est conclu cet accord entre la mafia et certains hommes politiques, Dell'Utri, Berlusconi, la mafia renonçait aux attentats en échange de son impunité et l’obtention de relais aux plus hauts rangs de l’Etat. Ce qui fut fait.
Elle porta en même temps Berlusconi au pouvoir.
Cet aspect des choses est contenu dans le procès du Sénateur Dell’ Utri.
Aujourd’hui les “repentis” mafieux qui estiment n’avoir pas été suffisamment récompensés et leur pacte insuffisamment respecté, sous-entendent qu’à l’époque de la stratégie de la tension il y avait un commanditaire qui était un homme politique dont on comprend qu’il s'agirait de Berlusconi.
Les enquêtes sur les attentats de 92-93 et les assassinats des juges Falcone et Borsellino, ne sont pas achevées. On parle des commanditaires des crimes de 93. Par exemple un article de l’Unità du 15 novembre (en italien) parmi bien d’autres en fait le récit et la Repubblica publie de nombreuses informations faisant état de plusieurs repentis qui accusent Berlusconi. Il s'agit de mafieux repentis au service de Graviano qui eux-mêmes prenaient leurs ordres chez un homme politique important. Et ce qui a filtré des enquêtes toujours en cours sur les attentats désigne Berlusconi et Dell'Utri.
Les juges italiens se demandent actuellement, et dans plusieurs tribunaux de plusieurs villes d’Italie (Florence, Palerme, Caltanissetta) s’ils vont devoir enquêter sur S.B. pour cette affaire. Le journal le plus pro-Berlusconi, Libero annonce de manière anticipée la mise en examen de Berlusconi pour ces faits, de même que Il Giornale, qui appartient à Berlusconi, et le Corriere della Sera, ce qui est démenti par le juge de Florence. L'annonce semble prématurée mais il n'y a pas de fumée sans feu
Les mailles du filet se resserrent. Ce qu’il se passe en Italie est extrêmement important et chaque jour apporte son lot de nouveaux événements qui valent d’être suivis.
Les frères Graviano et leurs hommes de main nomment Berlusconi.
Spatuzza nomme en outre le sénateur et président du Sénat Renato Schiffani dans l’affaire du procès Dell’Utri où il va témoigner en public.
Umberto Eco commentant la situation italienne en une claire analogie avec le fascisme :
” Faudra-t-il attendre que Berlusconi fasse mourir un million d’Italiens avant que les gens ne cessent de l’appuyer ?”
Un article du Monde présente encore un repenti dont le rôle est de la plus grande importance pour les enquêtes en cours sur les liens entre politiques et mafia, Massimo Ciancimino.
Ce qu’a à révéler Ciancimino s’ajoute aux témoignages de Spazetta et des frères Graviano, qui ont commencé à parler mais qui n’ont pas fini.
Le Monde n’explique pas toutefois l’importance de ces témoignages ni le contexte.
Les repentis qui gravitent autour des frères Graviano, comme il a été dit, sont déjà allés extrêmement loin dans leurs révélations puisque, au delà de l’affaire Dell’Utri, ils mettent en cause S.Berlusconi comme commanditaire des attentats de la période 92-94, la mafia poursuivant alors sa stratégie de la tension, précisément dans le but de pénétrer le monde politique, bien plus qu’elle ne le fit avec Andreotti dans la période précédente.
Du reste, pour se faire comprendre, la mafia assassine en 92 les accolytes d’Andreotti chargés des relations avec la mafia, Salvo Lima, et Ignazio Salvo, accusés de n’avoir pas fait assez pour protéger les intérêts de la mafia. Désormais la mafia cherche de nouveaus interlocuteurs.
Dans la période suivante qui s’ouvre en 94 -soit fin des attentats de la mafia et arrivée de S.Berlusconi au pouvoir avec Forza italia, après Giuffrè, Spazzetta, Ciancimino, et bien d’autres, les frères Graviano parlent de ce pacte politique-mafia. Mais ils imputent à S.Berlusconi bien davantage encore.
Actuellement il est désigné par plusieurs repentis comme le commanditaire des attentats des années 92-93.
On dira donc, si les témoignages sont là, recueillis par la police établissant les faits largement connus dans le pays car rendus publics, pour ceux qui veulent bien lire, si les enquêtes sont ouvertes (par les juges Falcone et Borsellino assassinés en 92, pour cette raison qu’il s’agissait de la première enquête véritable au sujet de la mafia, débutée en 86 et mettant en cause les principaux chefs mafieux, dont un grand nombre seront condamnés lors du maxi procès contre la mafia en 92, grâce aux enquêtes des deux juges) enquêtes qui reprennent maintenant, pour la part qui n’a pas été explorée, et si les témoignages sont considérés comme fiables, pourquoi n’en vient-on pas finalement aux inculpations débouchant sur des procès mettant en cause les responsables politiques ?
Tout doit être rapporté aux autres procès ayant eu lieu dans l’entre-temps.
Outre les diverses manoeuvres déjà mentionnées de Silvio Berlusconi, les juges n’ont jamais pu prononcer de condamnations car les témoignages des repentis, s’ils permettent fort bien de comprendre les relations avec certains hommes politiques de haut rang, sont insuffisants pour constituer à eux seuls des preuves incontestables en Justice. Les déclarations doivent être corroborrées par des faits bien établis.
Il y eut en effet par le passé un certain nombre de procès mettant en cause des hommes politiques pour leurs relations avec la mafia, impliquant Berlusconi et plusieurs de ses proches, mais qui ne purent jamais se conclure sur le point de leur appartenance à l'organisation mafieuse faute des preuves suffisantes, que demande la Justice tels ceux mettant en cause Berlusconi ou Schiffani.
Or Massimo Cianciminio, est le fils d’un grand chef mafieux Vito Cianciminio ancien maire de Palerme. Le fils trahit le père, il est aujourd’hui décidé à sortir du cercle de la mafia. Il détient des documents susceptibles de constituer les preuves manquantes à l’appui des témoignages, qu’il a dit vouloir fournir à la Justice. Il est actuellement entendu par les juges siciliens qui poursuivent les enquêtes sur les attentats de la mafia.
Aujourd’hui il est légitime de se demander si la Justice italienne va disposer de documents constituant des preuves susceptibles de poursuivre les enquêtes initiées depuis 1986 par le juge Falcone -qui avait réussi à mener à bien ces enquêtes, à condition de mettre au jour, suite à une enquête parallèle, le rôle d’un juge mafieux qui enterrait tous les dossiers, le juge Corrado Carnevale dont Falcone avait démontré la complicité avec la mafia.
La situation italienne a donné au cinéma et à la littérature quelques occasions de beaux scenari et de belles pages, et y compris sur fond de tragédie les meilleures comédies qui soient, et des trames de polards excellents. Mais la réalité dépasse la fiction.
Leonardo Sciascia dans ce petit texte remarquable, “una storia semplice”, a donné le tableau de la vie sicilienne avec sa mafia.
L’avenir dira si les révélations que peuvent faire les différents repentis, ajoutées à leurs témoignages, tous concordants, avec les potentielles preuves que détient Cianciminio sont suffisantes pour justifier des enquêtes du côté des responsables politiques. Lorsque LE boss , chef historique de la mafia sicilienne Toto Riina fut arrêté, en janvier 1993, grâce au travail de Falcone, sa demeure resta libre d’accès plusieurs jours sans aucune surveillance, de sorte que ses amis et complices purent tranquillement la vider de tous les documents compromettants et eurent le temps d’effacer toutes traces en repeignant même la maison au complet, de sorte qu’ il n’y a jamais eu de document de la mafia constituant des preuves impliquant des responsables politiques, qui soit tombés entre les mains de la police et de la Justice. On sait aussi que des agents des services secrets italiens ont travaillé à effacer les traces de ces collusions et ont assassiné un certain nombre de mafieux qui collaboraient avec la police. A qui profite le crime ?
Et voilà pourquoi Berlusconi est prêt à tout, absolument à tout, pour assurer l’impunité à lui et ses proches, même à étrangler (sic) ceux qui parlent de la mafia et enquêtent sur celle-ci. Il faut oser le dire ouvertement. (4)
Les Italiens suivent-ils Berlusconi ? Rien n'est moins sûr. Selon un sondages Ipsos, une majorité d'Italiens est opposée à cette nouvelle loi d'immunité qui empêcherait que ne se tiennent de nombreux procès, -seuls 35% soutiennent cette "réforme de la Justice", les autres ne sont pas au courant- et dans l'ensemble les Italiens témoignent de leur confiance dans la magistrature, malgré les saillies insultantes de Berlusconi. Dans leur quasi totalité ils sont opposés à l'immunité parlementaire (sources, la Repubblica) et pour l'instant, ce sont plus de 450 000 signatures qui sont recueillies à ce jour contre cette loi.
addendum : sur la nouvelle loi d'impunité, expliquée aux non-Italiens qui ont du mal à comprendre la vie politique italienne trop subtile pour un esprit non italien.
Dans la Libre Belgique, pourquoi, avec cette loi, Berlusconi menace l’Etat de droit et la démocratie, un article de Giuseppe Santoliquiddo
[…]
le 8 octobre 2009, la Cour constitutionnelle a déclaré l’anticonstitutionnalité du texte…
L’arrêt de la Cour fait en effet de lui un justiciable comme un autre. Et les procès Mills et Mediaset, dans lequel il est aussi accusé de corruption et de fraude fiscale, doivent reprendre dans le courant du mois de novembre. Il faut donc parer au plus pressé. Nous voici arrivés au projet de loi sur le “procès abrégé”. Coûte que coûte.
Si le texte acquiert force de loi, (le vote à la Chambre est prévu pour décembre), plus de cent mille procès risquent de devenir caducs. Par exemple ceux relatifs aux scandales financiers de la Parmalat et de la Cirio, qui concernent des dizaines de milliers d’épargnants spoliés de leurs économies. Ou encore le procès relatif aux déchets toxiques en région napolitaine. Les conséquences pour la Justice italienne seraient désastreuses. Irréparables. Il s’agirait d’une véritable dépénalisation de délits extrêmement graves. Le tout pour assurer l’impunité d’un seul homme. Au mépris de centaines de milliers de victimes.
Mais ce n’est pas tout. Il faut aussi bloquer les procès à venir. Pour ce faire, M. Berlusconi a annoncé, il y a quelques jours, une “révolution libérale de la justice”. Par voie parlementaire ou par référendum populaire, a-t-il menacé. Les principales mesures de cette réforme sont les suivantes : 1) La mise sous tutelle du parquet par l’exécutif. Le Parlement recevra chaque année un compte rendu de la Cassation sur l’état de la justice et décidera, sur cette base, des délits à poursuivre prioritairement. 2) L’interdiction de publier le compte rendu d’une conversation téléphonique par la presse (cette mesure a d’ores et déjà été qualifiée de “contraire à la liberté de la presse” par l’Union européenne). 3) L’abolition du degré d’appel en cas d’acquittement au premier degré.
Disons-le clairement : ces mesures sont honteuses. Tant la loi sur “le procès abrégé” que la réforme de la justice. Elles placent sans détour l’intérêt particulier d’un seul homme au-dessus de l’intérêt général. De manière claire, revendiquée, avec orgueil. Dans un climat de totale impunité morale et politique. Disons-le clairement : le fait qu’un chef de gouvernement récuse les décisions judiciaires, fasse voter par une majorité servile des lois ad personam aux dépens des droits subjectifs et objectifs de ses administrés, n’est pas digne d’un régime démocratique. Ce que fait M. Berlusconi est irresponsable, dangereux. Il joue avec le feu. Il ne devrait pourtant pas ignorer que, sans séparation des pouvoirs, sans contre-pouvoirs efficaces, il n’y pas d’Etat de droit qui tienne…. L’existence d’une hiérarchie des normes, d’un corps de lois obligatoires pour tous, garanties par des droits consacrés, est une garantie imprescriptible d’équité. Sans cela, pas de démocratie qui tienne. ”
Alithia
note :
1- le juge Giovanni Tinebra qui classa l'affaire en 2001 a toutefois été accusé à plusieurs reprises de complaisance dans cette affaire, de la part des juges du tribunal, et encore en 2006 par le Procureur qui l'a accusé de "favoritisme personnel aggravé" (source : la Repubblica, 1°novembre 09)
2- Umberto Bossi de 94 à 98 ne cesse de dénoncer Berlusconi comme mafieux et tyran , intéressé par ses seuls intérêts personnels, qui menace la démocratie... avant de rejoindre sa majorité aux dernières élections. Paradoxe italien.
3- plainte en diffamation contre la Repubblica, 1 million E demandés , contre l'Unità, 3 millions E demandés, contre Antonio Tabucchi, un million et plus. Voir la liberté d'expression menacée en Italie
4- sur wikipedia, pas trace de l'ensemble. On trouve seulement ceci "Dans l'émission satirique française Les Guignols de l'info, Silvio Berlusconi est présenté comme ayant des accointances mafieuses et comme opposé à la liberté de la presse". ce serait des bonnes blagues de comiques. Voilà ce que produit la neutralité : ne rien dire de ce qui est et produire des déformations par omission.