Dans la série "ce que vous ne verrez jamais sur wikipedia"
La conception de l'histoire de Sarkozy, émotionnelle et parcellaire, qui paraît instrumentaliser les enfants de la Shoah et relever de conceptions communautaires dans la ligne de ses précédentes prises de position sur la religion et la laïcité, est critiquée par les historiens, les syndicats d'enseignants, les associations, après la sévère mise en cause de l'idée par Simone Veil.
photo l'Internaute
En outre les professeurs n'apprécient guère que ce soit l'Elysée qui dicte les contenus d'enseignement et la manière de les mettre en oeuvre, contrairement à tous les usages et passant par dessus les institutions et les professionnels de l'enseignement sans aucune consultation . voir ici les réactions.
La question se pose : le Président outrepasse-t-il les pouvoirs que lui donne la Constitution ? Et pourquoi toujours revenir à des idées qui semblent chercher à toucher en chacun le membre supposé d'une communauté ?
Avec ces interventions, tout se brouille, les repères politiques, les règles qui régissent l'écriture de l'histoire, l'enseignement, et la liberté que suppose les métiers d'historien et de professeur, les règles de la démocratie, les principes de la laïcité, fondateurs de la République.
Une série de réactions.
des historiens et intellectuels :
Annette Wieviorka, spécialiste de l'histoire de la Shoah et petite-fille de déportés, s'est élevée contre la proposition de Nicolas Sarkozy : "Je pense qu'il y a quelque chose de réellement monstrueux de vouloir faire porter par un enfant de neuf, dix, ou onze ans la mémoire d'un enfant mort à une autre période", a-t-elle dit sur France Info.
L'historien Henry Rousso, a dénoncé un marketing mémorial Spécialiste de l'Occupation, il critique vivement la proposition de Nicolas Sarkozy de faire parrainer par chaque élève français de CM2 un enfant français victime du génocide des juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Pour cet historien, "La nouvelle initiative apparaît incongrue, jetée dans l'espace public comme d'autres annonces présidentielles et le bruit médiatique vient, une fois de plus, troubler le respect et le silence des morts de l'histoire" . Il estime qu'il n'y avait nul besoin de relancer le travail de mémoire sur cet épisode de l'Histoire en France, où beaucoup a déjà été fait à ce titre. Par ailleurs, la méthode présidentielle est morbide et inutile …. le choix des enfants juifs exterminés pour être nés juifs n'est édifiant en rien, sinon de l'immense barbarie du XXe siècle", écrit-il."Une fois encore, seule émerge du passé une mémoire mortifère,qui seule est digne d'être remémorée avec éclat une histoire criminelle …… le passé est devenu un entrepôt de ressources politiques ou identitaires, où chacun puise à son gré ce qui peut servir ses intérêts immédiats" a conclut l'historien.
Pascal Bruckner estime que la décision du président Sarkozy "n'ajoute rien, hormis du pathos". "C'est une initiative dangereuse», qui va faire dire, une fois de plus: « Y'en a que pour les Juifs »."La compassion, c'est dangereux", déclare-til en soulignant que l'"on confond mémoire et histoire" et que "ce qui doit s'enseigner à l'école, c'est l'histoire"
Jean-Pierre Azéma, membre du comité d'historiens "Liberté pour l'Histoire", a jugé cette initiative "scandaleuse, à tous égards". "C'est scandaleux", a-t-il déclaré "d'embrigader des élèves pour le culte de la mémoire des enfants juifs martyrs" et juge cette "obligation, imposée sans la moindre concertation par le pouvoir politique en place, insupportable et qui plus est, dangereuse et contreproductive"."Cela", a-t-il ajouté, "risque de déchaîner une concurrence victimaire, et, bien loin de réduire l'antisémitisme, de déclencher des réactions tout à fait opposées. Comme pour la loi de 1905 sur la laïcité, Sarkozy nous met la pagaille et ouvre la boîte de Pandore!"
Régis Debray juge cette idée …. "Déplacée car plus émotionnelle que pédagogique …..Ce ne peut pas être une obligation scolaire", a-t-il déclaré en soulignant que ce qu’il craint surtout, c'est une escalade des mémoires communautaires"."Qui empêchera la communauté noire de réclamer une commémoration de la mémoire de l'esclavage? a-t- interrogé …… Puis les Arméniens, les Maghrébins?" Pour Régis Debray, auteur en 2002 d'un rapport au ministre de l'Education nationale sur l'enseignement du fait religieux dans l'école laïque "l'idée de la laïcité implique un devoir d'abstention de la part de la puissance publique"."Les convictions religieuses sont de quelques uns, mais la République est à tous", a insisté Régis Debray.
Les syndicats enseignants :
Le Sgen-CFDT, l'Unsa, le Snuipp-Fsu, le Snalc , qui forment l'ensemble de l'échéquier des représentants des enseignants, regrettent l'initiative et la déplorent . Le Sgen considère que le Président de la république a "recours à toute une série de fausses évidences pour résoudre les difficultés de l'école". Il pense également que "le rapprochement des termes 'instruction civique' et 'morale' rappelle fort malencontreusement l'affichage sur un même pied de la laïcité et des religions". [voir les réactions détaillées]
Les associations :
associations luttant contre le racisme LICRA, Mrap, étudiants juifs UEJF, associations de parents d'élèves, collectifs de psychologues ou des individualités parmi les psychiatres, psychanalystes, psychologues etc. expriment leurs réserves.
D'autres hommes politiques, tels D. de Villepin, qui trouve l'idée "étrange", F. Bayrou qui déplore une décision irréfléchie, ou encore J-L Mélanchon, expriment leur étonnement sceptique à propos d'une telle soudaine initiative. Une décision irréffléchie que l'Elysée persiste pourtant à vouloir imposer "sans fléchir".
voir cet article qui interroge : ce faisant le Président se comporte-t-il en chef d'Etat ou en directeur de conscience ?
Un article du Monde :
Le projet de parrainage d'enfants de la Shoah lancé par Nicolas Sarkozy lors du dîner annuel du CRIF continue à semer trouble et perplexité, y compris parmi les historiens du génocide ou les associations.
Emboitant le pas à Simone Veil, qui a fustigé une idée "inimaginable, insoutenable, dramatique et, surtout, injuste." plusieurs historiens ont dit leur malaise. "Je pense qu'il y a quelque chose de réellement monstrueux de vouloir faire porter par un enfant de neuf, dix, ou onze ans la mémoire d'un enfant mort à une autre période", a déclaré sur France info cette spécialiste reconnue de l'histoire de la Shoah et elle-même petite-fille de déportés. L'historien Henry Rousso a dénoncé dans une tribune dans Libération un "marketing mémoriel" : "Le bruit médiatique vient, une fois de plus, troubler le respect et le silence des morts de l'Histoire", écrit ce spécialiste de la Seconde guerre mondiale.
L'association Liberté pour l'histoire, qui regroupe plusieurs centaines d'historiens et enseignants, comme Mona Ozouf, Pierre Nora ou Jean-Pierre Azéma, a également fait part de sa réserve. Pour l'association, "quelque respectable que soit l'intention" de M. Sarkozy, cette initiative "substitue une démarche purement émotive à un apprentissage critique de l'histoire qui demeure le premier devoir des éducateurs".
L'Union des étudiants juifs de France (UEJF) a accueilli "de manière réservée" l'annonce de Nicolas Sarkozy, jugeant que la mémoire "ne se transmet pas par un processus d'identification." Elle préconise que ce travail soit fait "de manière collective et permette de tirer des leçons." La Licra doute également de la pertinence du projet. "L'enseignement de l'histoire de la Shoah ne saurait passer prioritairement par le recours à l'émotion", écrit l'association dans un communiqué diffusé vendredi. "Profiter de l'immaturité psychologique de jeunes élèves de CM2 ne nous paraît pas judicieux si c'est l'histoire qu'on veut leur transmettre. Est-il sage, à l'âge où l'enfant construit sa personnalité, de lui demander de s'identifier à un enfant mort?", demande la Licra. Le MRAP a également fait part d'un "profond malaise" face à un "tri sélectif des mémoires."
La PEEP, deuxième fédération de parents d'élèves, a estimé "préférable que la transmission de témoignages soit faite de façon collective et partagée".
source le Monde
Alithia