Depuis les événements de Tunisie qui ont renversé la dictature de Ben Ali, et qui se poursuivent pour obtenir un gouvernement conforme à la révolution démocratique voulue par le peuple, les mouvements en faveur des libertés et en quête d'égalité, les deux piliers indissociables d'une démocratie, se multiplient dans divers pays arabes, aux situations bien différentes toutefois.
En Algérie on a affaire à un pouvoir de l'armée qui soutient le président Bouteflika et qui s'approprie la rente pétrolière considérable (45 milliards de dollars) sans partage avec le peuple dont une majorité vit dans la misère. Face à l'armée entretenant un régime de corruption, le peuple est faible mais néanmoins armé de courage pour s'exprimer.
La manifestation appelée par le RCD de Saïd Saadi est interdite et empêchée par un important déploiement policier.
Libération note la demande de changement politique qui prend forme dans le pays, mais que le pouvoir entend réprimer.
Le site algerie-dz.com relève la demande de levée de l'état de siège qui dure depuis 1992 en Algérie et l'accession à des libertés actuellement étouffées, que défend le RCD : « On ne peut pas empêcher un peuple de s’exprimer dans les médias lourds de son pays, on ne peut pas l’empêcher de marcher pacifiquement dans la capitale un demi-siècle après l’indépendance pendant que l’on s’emploie à mobiliser la justice pour dépecer le pays, discréditer l’Etat et hypothéquer la nation et feindre de déplorer les excès de la colère populaire » ; « l’état d’urgence perpétuel imposé au pays depuis 1992 est discriminatoire et dangereux. Les organisations satellites du pouvoir squattent la télévision, la radio et, quand elles sont instruites, la rue. Un tel parti pris ne peut que pousser à l’aggravation du désespoir avec tout ce qui peut en découler. Cet état d’urgence est aussi le principal instrument de l’étouffement des libertés par lequel les familles régnantes couvrent leur corruption »
Manifestations en Egypte aujourd'hui dont rend compte Le Figaro . Beaucoup de jeunes qui se modèlent sur la Tunisie pour demander des changements politiques se rassemblent, en particulier grâce à internet. Le Figaro
Ce sont les jeunes urbains et éduqués qui appellent à la contestation du pouvoir actuel, caricature de démocratie élu avec plus de 99% des voix, dans un pays où les illettrés sont nombreux et les fellahs pauvres, sont la majorité du peuple.
En Egypte cependant où la gravité de la situation économique qui plonge le peuple dans la pauvreté, le dispute à la gravité de la situation politique d'un pouvoir perçu comme une dictature entravant toute liberté et devenue insupportable, et où, de fait, c'est l'armée qui maintient le pouvoir en place, en Egypte rôde le danger islamiste représenté par les Frères musulmans, très implantés et prêts à incarner l'opposition, rendant la situation très dangereuse. Malgré les changements jugés inéluctables par Mohamed el Baradei, ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la paix qui a récemment appelé à un boycott de la présidentielle de septembre prochain en Egypte, de véritables changements vers une démocratie véritable en Egypte semblent improbables.
Une révolution à la tunisienne est impensable dans ce pays, tant les conditions sont différentes, et même si elles sont explosives, car malgré le désir du peuple de se libérer du carcan du pouvoir actuel de Moubarak, aussi bien du fait du danger islamiste, que de l'improbable éventualité que l'armée se range du côté d'un éventuel mouvement populaire, hormis pour maintenir son pouvoir, et à la différence de ce qu'il s'est passé semble-t-il en Tunisie, on a du mal à imaginer une voie vers une révolution véritablement démocratique dans ce pays .
Au Maroc, selon certains bons connaisseurs du pays, tel Aïssa Khadri professeur à Paris VIII dont l'Expansion publie l'analyse, la situation serait très comparable à celle de la Tunisie misère, inégalités, corruption, absence de libertés et de justice. Il faut noter toutefois , pour ce pays, une très grande différence, par le fait qu'il est gouverné, non par un président élu imposant sa dictature, mais par un roi qui est supposé être un descendant du prophète ce qui lui confère une aura auprès des croyants.
La voie de la démocratie est un long apprentissage comme le rappelle un spécialiste du monde arabe ex-président de l'Institut du monde arabe, Denis Bauchard, interviewé par le site belge levif.be ou du moins un long processus, pour être effectivement un système politique où le pouvoir revient au peuple, au moins partiellement.
Apprentissage et expérience sont nécessaires, car la démocratie demande un espace de liberté, un certain niveau d'égalité et aussi de conscience des responsabilités d'un citoyen et de sens de l'intérêt collectif qui doit passer avant les intérêts particuliers, certes, mais pas seulement. Il faut aussi que les conditions favorables soient réunies, en particulier que l'armée ne s'oppose pas au peuple et à ses revendications, ni ne confisque le pouvoir. Il faut également que l'opposition aux dictatures ne soit pas représentée par des mouvements qui prétendent faire de la politique avec et au nom de la religion, et imposer ainsi à tous un unique système de valeurs et un seul mode de vie, ce qui mène inévitablement à l'intolérance, aux discriminations et à de nouvelles injustices qui peuvent être pire encore si la religion et ses visées prétendument indiscutables , puisqu'au nom de Dieu, interdit la liberté de croyance et la liberté d'expression, en prenant le pas sur la politique et tournant le dos à la laïcité qui seule garantit la tolérance. et le pluralisme d'opinions et de croyances. Et ainsi, si cette utilisation-manipulation de la religion à des fins contraires au rôle de la religion -qui doit se borner à enseigner la morale et à faire le bien- accomplit son intolérance en fanatisme pour imposer son système et ses conceptions, engendrant persécution et terreur comme le monde musulman en donne des exemples accablants, on a alors là tout le pouvoir de nuisance d'un gouvernement au nom de la religion, qui représente la pire des dictatures. L'Iran en donne un triste exemple, le gouvernement du Hamas à Gaza un autre également, et il y en a d'autres. Il faut, en un mot, que l'armée et les religieux respectent la loi de l'Etat et que celui-ci ait l'autorité pour élaborer des lois de justice, démocratiques, valables pour tous et s'imposant à tous, militaires et religieux comme les autres, et il faut que l'Etat renonce à la voie théocratique.
Là où les militaires ou les religieux prennent le pouvoir, il n'y aura pas d'Etat de justice, démocratique. Il n'y aura que des dictatures, plus ou moins laïques ou religieuses à des degrés divers.
Or les pays arabes ne connaissent que trop l'oscillation entre ces deux pôles, le militaire et le pseudo religieux, qui érige la religion en force politique et fait dire à la religion ce qui lui convient, selon les intérêts des groupes dirigeants.
C'est un long chemin en effet pour se débarrasser de la suprématie des militaires et des religieux et de leur emprise sur l'Etat, afin que celui-ci soit celui de tous, c'est à dire du peuple citoyen (demos en grec), seule définition de la démocratie .
Dans tous les cas, il y faut une révolution pour faire disparaître l'emprise des forces qui s'y opposent. Le premier point, la première oeuvre d'une révolution, signant la rupture avec la dictature, est une nouvelle constitution qui sépare le politique du religieux et le rende complètement indépendant de ce dernier et qui rende possible la création d'un Etat de droit garantissnt le pluralisme politique et la séparation des pouvoirs, de sorte que, et le prétenttions des forces militaires et religieuses à prendre ou contrôler le pouvoir, soient circonscrites et rendues impossibles.
Le chemin est long. Il y faut des conditions historiques, politiques et économiques.
Aujourd'hui également au Liban, pays qui fait exception dans le monde arabe pour le régime de quasi démocratie qui est le sien, il se passe des événements graves. Là ce sont les fanatiques religieux (encore) qui troublent le jeu démocratique. Ladite démocratie libanaise est fortement menacée par le Hezbollah, parti religieux chiite qui avance ses idées et positions au nom de l'islam. On apprend que le Hezbollah, soutenu à la fois par la Syrie et l'Iran place son candidat comme premier ministre, pour destituer Saad Hariri, [Libération et Le Point] menaçant de plonger le pays dans la guerre civile, comme le font toutes les politiques menées au nom de la religion, dans un Etat multi-confessionnel du moins, en plus de terroriser la population comme les islamistes en ont donné des exemples de par le monde.
Des manifestations se déroulent également au Yémen, dans le sultanat d'Oman, au Soudan, en Jordanie. Un vent de révolte et d'éveil des consciences parcourt de nombreux pays. Cependant si les revendications de liberté et les protestations contre la misère et les inégalités se retrouvent partout, la question des islamistes et de leurs aspirations à prendre le pouvoir est également très présente, dont la chaîne al-Jazeera, très populaire, se fait le porte-parole.
ajout le 30 janvier
En Egypte on assiste aujourd'hui à des changements d'hommes au gouvernement, nommés par Moubarak pour tenter d'apaiser les manifestants qui demandent un changement de régime. Si l'on voit bien que la question de la fin annoncée de la présidence de Moubarak se pose, pour l'instant elle se pose en termes de savoir qui pèsera avec plus de poids et est susceptible d'obtenir le pouvoir en cas de départ de celui-ci. C'est à dire qui de l'armée (quelle position peut-elle prendre face aux manifestations ?) et des islamistes (en contradiction avec l'armée qui ne laissera pas ceux-ci accéder au pouvoir aussi longtemps qu'elle le pourra), lesquels recueilleront les effets et les fruits du mouvement ? Et bien sûr, la question se pose de savoir si un mouvement de la société civile peut peser dans un sens ou un autre, ou se faire absorber par une de ces deux forces et être annihilé, ou être pris en compte comme 3° force distincte des deux précédentes pour composer avec elles (et lesquelles), afin d'obtenir des réformes qui ne soient ni étouffées, ni déviées par les deux autres forces, et cela dans une composition nouvelle des forces gouvernant l'Etat qui corresponde aux attentes de la société.
ajout encore le 31 janvier
En Egypte L'armée annonce qu'elle ne réprimera pas le mouvement et ne tirera pas sur le peuple, rejouissons-nous. Sa base est constituée pour un tiers de conscrits, susceptibles de pactiser avec le peuple. Donc l'armée, c'est à dire ses cadres, lâche Moubarak, autocrate usé et discrédité qui a perdu l'essentiel de ses soutiens. C'est tout à fait logique., sinon prévisible. Mais cette impopularité de l'actuel chef de l'Etat, ne suffit pas à constituer pour autant une voie vers la démocratie, dans un pays où la base islamiste potentielle représente une très grande majorité de la population. Même si les islamistes se font discrets en se présentant comme modérés et, prudents, en limitant leur prétentions, cela peut-il déboucher sur autre chose que sur une sorte de coup d'Etat militaire pacifique, donnant tout pouvoir à l'armée ?
Alithia