Au sujet de la grève des universités et des chercheurs quelques explications .
Ce mouvement de très grande ampleur qui dure depuis plus de 9 semaines porte sur la faiblesse des moyens accordés à la recherche et à la formation supérieure, et en particulier les suppressions d’emplois, sur le contenu du décret relatif aux enseignants-chercheurs. Les chercheurs ont été insultés par Sarkozy qui les accusés de ne rien produire pour 90% d'entre eux. Il faut savoir que la France se classe au 6° rang mondial pour les résultats de sa recherche -selon des critères pourtant tout à fait défavorables à la France puisqu'ils incluent parmi les premiers critères considérés comme positifs les publications en langue anglaise, ainsi que d'autres critères largement contestables [1]-, alors que pour la hauteur du financement de sa recherche elle ne se trouve qu'au 18° rang.
Le mouvement porte encore sur la réforme de la formation des enseignants, pour la quelle un projet aberrant est proposé, sur les menaces qui visent directement les organismes publics de recherche , sur la manière dont les enseignants et chercheurs seraient évalués, non par leurs pairs, des spécialistes de leur discipline, mais par des administrati;fs, présidents d'universités, qui auraient le pouvoir de décider de leur obligations, soit davantage d'enseignement ou de recherche selon ce projet qui entend faire non pas gouverner les universités mais les gérer selon une idéologie techniciste , imposant des critères de gestion et de rentabilité.
Selon le projet, les obligations de service des universitaires ne seraient plus nationales, mais dépendraient du Conseil d'administration des universités où se trouvent des représentants des entreprises depuis la loi LRU, alors que la proportion des élus de l'université a diminué.
Les universitaires et chercheurs ne sont pas opposés à l'autonomie des établissements -contrairement aux mensonges du jour proférés par le chef de l'Etat- mais ils ne veulent pas que, sous prétexte d'autonomie, les universités et unités de recherche soient gerées comme des entreprises, comme des stocks de ressources humaines pressées d'être "rentables" et non organisées en vue de l'excellence. La logique de l'entreprise ne convient pas plus aux établissements d'enseignement et de recehrche, qu'aux établissements de santé, qui sont soumis à des pressions comparables.
Pour de plus amples informations sur le mouvement et les propositions des chercheurs et enseignants voir le site du collectif sauvons la recherche
En particulier les motifs de la résistance à la marchandisation de la connaissance, qui est un mouvement européen, car la libéralisation (économique) des établissements d'enseignement et de recherche touche toute l'Europe.
Il s'agit de contester la mainmise du marché sur l'Enseignement supérieur & la Recherche
" Les réformes du système d'enseignement supérieur et de recherche (ES&R) engagées en France sont la déclinaison nationale d'un projet européen (Lisbonne 2000) déjà fortement engagé et fortement contesté dans la plupart des autres pays européens : depuis un an les universités espagnoles se révoltent contre le processus de Bologne ; étudiants et (enseignants)-chercheurs danois s'élèvent contre la mort de la liberté de recherche et la hausse des droits d'inscription ; le 13 mars les Finlandais ont manifesté contre leur réforme de l'université ; en Italie le mouvement spectaculaire de fin 2008 se transforme en une grève des travailleurs de la connaissance le 18 mars 2009. ..."
Et encore un texte : " Université, un enjeu de civilisation"
Par Marc Delepouve, secrétaire général d'ATTAC, membre de son conseil scientifique, enseignant en mathématiques à Lille-I.
La volonté de transformer l'université remonte au début de la période néolibérale. Ainsi, en France, dès son retour au pouvoir en 1986, la droite s'y est essayée. La résistance des étudiants fut massive. Le 6 décembre le décès de Malik Oussekine, molesté par des policiers, provoquera la démission du ministre délégué Alain Devaquet. Le 8 décembre le gouvernement Chirac retirera son projet. Ensuite, jusqu'en 2002, des évolutions se feront, mais elles ne constituèrent pas la rupture néolibérale. Aucun gouvernement, quelles que soient ses orientations, n'osait affronter la résistance des universités françaises. L'année 2003 marque un tournant. Le gouvernement décide alors de réduire les financements stables et récurrents des laboratoires de recherche. Objectif : augmenter les financements des projets à court terme et les distribuer sur la base d'évaluations selon des critères prétendant répondre aux besoins de l'économie, mais incompatibles avec la liberté intellectuelle indispensable à la recherche à moyen ou long terme. Indispensable donc au développement économique et aux réponses à apporter aux problèmes sociaux et environnementaux. Liberté intellectuelle indispensable enfin à la vie démocratique et plus largement à une société libre. Nous touchons là à un aspect peu débattu de la transformation néolibérale. Une société néolibérale est-elle compatible avec une université libre ? Avec une société libre ? L'empressement des entreprises multinationales à s'emparer des grands médias et de la culture de masse répond-il à leur seule cupidité ? Voire à la soif de pouvoir de patrons de grandes entreprises ? Où répond-il en outre à une nécessité stratégique : posséder une relative maîtrise des populations, influencer leurs valeurs, leur connaissance de la cité, leurs pensées et leurs comportements. Certes, il n'y a pas de bureau national ou mondial du conditionnement humain. Le système en place est plus subtil, plus discret, plus souple et sans centre.
Dans un monde où les inégalités ont pris une dimension démesurée, où une minorité bénéficie de privilèges exorbitants et suit un mode de vie d'hyperconsommation et hyperdestructeur de notre environnement, alors que près d'un milliard d'enfants, de femmes et d'hommes souffrent de la faim, que le chômage frappe ou hante la plupart des salariés, dans ce monde néolibéral, la liberté intellectuelle et l'esprit critique doivent être canalisés, domptés et quelque peu étouffés. C'est à l'aune de cette nécessité de la société néolibérale qu'il faut en tout premier lieu lire la rupture néolibérale de l'université, déjà très avancée dans de nombreux pays d'Europe et du monde. Rupture amorcée en France en 2003, et précipitée par la présidence de Nicolas Sarkozy. Cela alors même que la recherche française est l'une des plus efficaces, voire la plus efficace du monde : cela si une telle qualification peut avoir un sens ! Pour l'exercice, prenons les critères du classement de Shanghai, souvent utilisés par les néolibéraux pour nuire à l'image des universités françaises, et appliquons-les aux systèmes d'enseignement supérieur et de recherche nationaux, et non pas aux établissements. La France se trouve alors en 6e position (chiffre donné entre autres par l'OCDE), alors que le financement est quant à lui au 18e rang pour la recherche et au 16e pour l'enseignement supérieur. Il n'y a aucune raison objective d'imposer à l'université française la rupture néolibérale, puisque les pays qui ont fait ce choix ne font pas mieux que nous. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille laisser l'université en l'état. C'est pourquoi dès 2004 la communauté universitaire avait tenu des états généraux conclus par un document d'une centaine de pages, présentant de très nombreuses propositions d'amélioration. Aujourd'hui, la crise financière est une tragédie planétaire qui résulte de la croyance dans les dogmes néolibéraux. Le temps où l'on pouvait naïvement penser que soumettre la planète à la liberté et au pouvoir des seuls financiers et des seules entreprises multinationales est révolu. Cette « modernité » a montré toute son absurdité. Le temps n'est-il pas venu où la démocratie doit retrouver ses droits, au service d'un projet de civilisation ? Nous avons là le principal enjeu de la résistance qui aujourd'hui se développe dans les universités.
Note.
Je dois ajouter que sur ce sujet wikipedia, exceptionnellement, n'est pas au-dessous de tout, elle est même assez correcte et bien informée donc correctement informative. Ô stupéfaction, ô miracle !
Explication : l'article a été rédigé avec la contribution manifeste d'universitaires et ô deuxième miracle, non seulement on trouve un article rédigé par des gens qui connaissent le sujet qu'ils rédigent -la chose est assez exceptionnelle pour mériter d'être soulignée- mais l'article n'a pas été détruit par les habituels cuistres et ignorants qui auraient voulu y introduire leur satanée "neutralité" habituelle.
note [1] voir sur article suivant :
Universités et chercheurs (suite)
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